C'est dans ma tête. Covid-19 et difficultés économiques : la double peine
Les ravages causés dans les corps par le coronavirus sont aussi visibles dans la vie sociale, où ils aggravent les difficultés économiques de beaucoup de Français. Avoir peur de se retrouver sans emploi, et donc sans ressources, est une menace qui réveille les pires angoisses, nous explique la psychanalyste Claude Halmos.
On connaît les ravages que le Covid peut faire, dans les corps. Mais il en fait aussi d’énormes dans la vie sociale, en aggravant les difficultés économiques jusqu’à plonger certains (ou leur faire craindre de plonger), du fait du chômage et des faillites, dans la pauvreté.
franceinfo : Nous aimerions revenir avec vous sur ce que vivent les gens frappés par les conséquences économiques de cette pandémie
Claude Halmos : Ils sont condamnés à une double peine. Ils doivent supporter, comme tout le monde actuellement, une présence permanente de la mort dans leur vie, sous la forme d’une double menace : celle du Covid-19, et celle des terroristes ; avec la peur inévitable et légitime, qu’elle engendre. Mais ils sont de plus menacés par une autre mort : la mort sociale que représente (ou représenterait) la perte définitive de leur emploi, ou la faillite de leur entreprise. C’est, évidemment, terrible.
Vous pouvez nous l’expliquer plus précisément ?
La menace de se retrouver sans ressources réveille toujours les angoisses les plus archaïques : ne plus avoir de quoi se nourrir, et nourrir sa famille, ne plus avoir où s’abriter, et l’abriter. Ces angoisses sont d’autant plus difficiles à combattre qu’elles s’appuient sur une réalité (beaucoup de gens aujourd’hui ne pourraient plus survivre, sans l’aide alimentaire). D’autant plus destructrices qu’elles s’accompagnent de culpabilité (on se croit toujours, en pareil cas, responsable de ce qui arrive), et de honte.
Une honte aggravée par l’idée de déclassement : "On n’aurait jamais pensé en arriver là", qui conduit à penser que, pour sauver la face, il ne faut rien montrer ; et donc à s’enfermer dans le silence, et la solitude. Et c’est particulièrement éprouvant pour les enfants, qui sont traversés par les angoisses de leurs parents, et souvent sans pouvoir, faute d’explications, les comprendre.
Comment peut-on aider ?
Il serait très important pour notre société, que ce problème, même s’il doit évidemment être réglé par l’état, devienne l’affaire de tous. Ce serait essentiel pour les gens touchés par la crise, que cela aiderait à comprendre que, victimes de cette crise, ils ne sont pas responsables de ce qui leur arrive. Et à comprendre aussi la nécessité de s’appuyer les uns sur les autres, de façon à faire corps, pour l’affronter.
On peut aider par des dons d’argent, à des associations, mais aussi par du soutien : en organisant par exemple, dans son quartier, des réseaux de soutien aux commerçants qui ont mis en place un service de "click and collect". Et tout cela dans une perspective de solidarité, c’est à dire d’égalité : ceux qui, aujourd’hui, peuvent donner auront peut-être besoin demain, qu’à eux aussi, on leur donne. Et cette solidarité serait essentielle aussi pour les donateurs : la période actuelle est psychologiquement destructrice parce qu’elle nous confronte à trop de mort, et d’inhumain.
Or, se rassembler pour en aider d’autres, c’est fabriquer de l’humain. Parce que c’est poser un autre qui n’est plus celui qui, potentiellement contaminant ou agresseur, est porteur de mort, mais celui qui nous aide à vivre, comme on l’aide à vivre.
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