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C'est dans ma tête. La précarité alimentaire

L'un des événements politiques et sociaux de la semaine a été la présentation du plan pauvreté. Dans un baromètre Ipsos-Secours Populaire présenté mardi 11 septembre, on apprenait qu’une personne sur cinq a, en France, du mal à se nourrir correctement. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
A la banque alimentaire, des bénévoles récupèrent des grandes surfaces les produits proches de la date limite de consommation (MAXPPP)

Le Baromètre Ipsos-Secours Populaire a été présenté mardi, deux jours avant l’annonce, par le gouvernement, de son plan pauvreté ; et on y apprend qu’une personne sur cinq a, en France, du mal à se nourrir correctement. On sait que cette situation a des conséquences graves pour leur santé, et aussi, des conséquences psychologiques, comme le précise aujourd'hui la psychanalyste Claude Halmos.      

Le fait de ne jamais être sûr de pouvoir accéder à une nourriture saine et en quantité suffisante, a des conséquences psychologiques très importantes. Et cette difficulté touche non seulement les personnes en précarité alimentaire, mais celles qui vivent dans ce que l’on appelle "l’insécurité alimentaire".    

Quelle est la différence entre précarité alimentaire et "insécurité alimentaire" ?

Les personnes en "précarité alimentaire" sont celles qui, pour réussir à se nourrir, s’adressent aux associations. On a donc une idée de leur nombre, et de leurs problèmes.

Mais d’autres (et elles sont très nombreuses), ne sont pas recensées. Parce que, par manque d’informations ou par honte, elles ne s’adressent pas aux associations. Et se nourrissent avec ce qu’elles peuvent acheter : en général des conserves de mauvaise qualité, et à bas prix (parce que la viande, le poisson, les laitages, les fruits et les légumes ne sont pas à leur portée). Ce qui est catastrophique pour leur santé physique, mais aussi psychologique.

Le problème de "l’insécurité alimentaire" a été beaucoup étudié aux États-Unis, mais beaucoup moins en France 

Claude Halmos    

Vous pouvez nous expliquer leurs difficultés psychologiques ?

Les gens qui ne vivent pas dans la pauvreté ont la possibilité, même s’ils ne peuvent pas acheter tout ce dont ils rêveraient, de manger ce qu’ils ont envie de manger, et qui leur fait plaisir ; ils ont le choix. L’alimentation est donc pour eux une affaire de désir et de plaisir. Et c’est essentiel, parce que l’accès au désir et au plaisir est un soutien indispensable au désir de vivre.

Or, au niveau de l’alimentation (comme à bien d’autres, d’ailleurs), les personnes pauvres sont exclues de toute problématique de désir et de plaisir. Elles n’arrivent même pas à satisfaire leurs besoins. Et tout ce qu’elles peuvent espérer - et encore, ce n’est jamais sûr - c’est de réussir à calmer leur faim. De ce fait, l’idée même de repas n’a souvent plus de sens pour elles. 

Ne pas pouvoir satisfaire ses besoins alimentaires, c’est un facteur de honte et d’isolement, parce que les repas font partie du lien social 

Est-ce que cette situation a des conséquences sur les enfants ?      

Elle a des conséquences énormes sur les enfants. Parce qu’ils doivent se construire dans une frustration permanente et incompréhensible, qu’ils ressentent comme injuste, et qui leur fait violence ; et parce qu’ils sont confrontés à la honte de leurs parents, à leur angoisse incessante du lendemain, et à leur culpabilité.

Les parents se sentent en effet toujours coupables de ce que vivent leurs enfants ; et cela fausse toujours le rapport qu’ils ont avec eux, notamment dans l’éducation.            

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