C'est dans ma tête. L’attentat de Nice : un an après
Le 14 juillet 2016, un camion fonçait dans la foule, à Nice. Un an après, on commémore cet attentat. Nous revenons sur ces commémorations avec la psychanalyste Claude Halmos.
Ces commémorations sont-elles utiles pour les victimes ?
Elles sont très importantes. Et leur importance est liée à la spécificité de la souffrance psychologique que provoquent les attentats.
On a, en général, l’habitude de penser que le temps guérit les blessures ou, en tout cas, apaise les souffrances Et c’est vrai dans de nombreux cas. Dans celui du deuil par exemple : la blessure de la perte ne disparaît pas mais, avec le temps, une cicatrisation s’opère.
Or ce n’est pas vrai dans le cas d’un traumatisme. Parce que la caractéristique essentielle du traumatisme est qu’il arrête le temps. Parce qu’il provoque une sorte "d’arrêt sur image".
Comment le traumatisme provoque-t-il un "arrêt sur image" ?
Un événement traumatique est un événement qui est tellement violent, tellement soudain, tellement inattendu qu’il provoque, chez ceux qui le vivent, un effet de sidération. Et comme il est d’une violence trop importante pour que le psychisme puisse y faire face, la personne qui le vit est obligée de fuir. Elle est obligée, pour se protéger, de s’absenter partiellement d’elle-même. Et de vivre une partie de ce qui se passe sans en être totalement consciente.
Et ensuite elle va rester comme fixée à ce moment où elle a fui. En étant hantée, inconsciemment et en permanence, par la mémoire de ce qu’elle a dû chasser de sa conscience, qui revient sous forme d’angoisses, de cauchemars etc., qui l’empêchent de recommencer à vivre normalement. En fait, elle ne peut ni se souvenir de tout ce qui s’est passé, ni dépasser le moment où cela s’est passé. Elle "tourne en rond", dans la souffrance.
Mais comment des commémorations qui ramènent encore les victimes à cet événement traumatique, peuvent-elles leur être utiles ?
Ces commémorations sont utiles aux victimes (et à nous tous) parce qu’elles ramènent effectivement à l’événement traumatique, mais d’une façon positive.
D’abord elles remettent le temps en marche : il y a un an, il y a deux ans etc...On n’est plus dans le temps immobile et figé du trauma.
Ensuite elles ramènent l’événement dans la parole et dans la reconnaissance de ce qui s’est passé. Ce qui est très important. Parce que tout cela finit souvent par sembler, à la victime, irréel. Elle a du mal à faire la différence entre ce qu’elle a vécu et ce qu’elle imagine.
Et enfin les commémorations rappellent l’événement, mais dans une célébration collective. C’est à dire en introduisant, pour chaque victime et pour chacun de nous, le soutien des autres.
Une commémoration, c’est un acte qui dit à la victime : Tu as bien vécu cela, c’était vrai mais tu n’es pas seul : nous l’avons tous vécu. Nous le disons et nous le célébrons.
Claude Halmos
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