C'est mon week-end. Spécial écrivains-voyageurs : la folle aventure de la navigatrice Capucine Trochet, à bord de Tara Tari
Capucine Trochet publie "Tara Tari, mes ailes, ma liberté" aux éditions Arthaud. Dans ce récit, la navigatrice raconte comment elle a surmonté une maladie génétiqueen vivant un périple hors du commun avec Tara Tari, un petit voilier de pêche venu du Bangladesh.
"Ce voyage a commencé quand j’étais dans mon lit d’hôpital, c’est vrai que dans ce genre de situation on vit des voyages immobiles, où l’esprit s’envole et voyage. Et c’est nécessaire en tout cas pour moi ça l’a été."
Lors de sa traversée de l’Atlantique en voilier, Capucine Trochet apprend qu’elle souffre du syndrome d’Elhers-Danlos. Une maladie génétique qui entraine luxations et déboitement des articulations. Dans son livre "Tara Tari, mes ailes, ma liberté", la navigatrice de 39 ans offre un récit de voyage et de résilience profond, où elle raconte le début de son histoire avec Tara Tari. Ses voiles de couleur orange, sa forme de banane, elle tombe immédiatement amoureuse de ce voilier de pêche construit au Bangladesh avec du jute et des matériaux de récupération. "Quand je l'ai vu, c'était évident, c’était ce bateau bricolé qu'il me fallait. Il a l’air tout abîmé, je me dis alors ''on est pareil en fait''. Et il correspond à tout ce que j’aime dans son esprit et sa philosophie."
C’est décidé, Capucine traversera l’Atlantique avec Tara Tari ! Va-t-elle vraiment le faire ? Alors qu’elle tient à peine sur ses jambes ne se met-elle pas en danger ? Les commentaires vont bon train. Son aventure effraie ou fascine. Après sept mois passés en centre de rééducation en Bretagne, Capucine répare le bateau pendant trois mois. "Je l’ai retapé, ensuite c'est ce bateau qui m’a en quelque sorte retapée aussi. C’est vrai qu’on est partis vivre quelque chose ensemble. C’est pour ça que je trouve compliqué d’entendre des gens dire que mon aventure était une fuite… Pour moi, c’est vraiment tout sauf ça, bien au contraire c’était une façon au contraire de renouer avec la vie. Et donc je ne suis pas partie pour défier quoi que ce soit, je suis partie vivre quelque chose. Je ne suis pas partie pour fuir mais au contraire pour trouver."
Capucine utilise ses anciennes béquilles pour tenir le mât debout. Elle se casse le coccyx mais rien ne semble l’arrêter. Elle ira comme elle dit "faire sourire l’Atlantique". Le navigateur Marc Guillemot est l’un des premiers à l’encourager. "Je ne sais pas dire aujourd’hui si sans la maladie j’aurais eu cette énergie-là, à ce moment-là. J’avais l’impression que j’avais besoin d’avancer, de faire quelque chose de mes mains, après avoir voyagé dans ma tête énormément. Et je pense que quand on se fixe des objectifs atteignables, on avance beaucoup plus vite et mieux. Par exemple, je n’étais pas en train de me dire je vais aller traverser l’Atlantique, je me disais "je vais réussir à monter sur le bateau, ou je vais réussir à visser cet écrou". De petites choses en petites choses, j’avançais. Si on arrive à se féliciter de chaque petite chose bien qui se passe dans une journée, alors le lendemain on se sent encore plus fort. Et c’est comme ça qu’en trois mois j’ai réussi à aller mieux et à faire que Tara Tari flotte."
Le 15 octobre 2011 le bateau est à l’eau, depart depuis le port de La Ciotat, dans le sud de la France. Un voyage à la voile. Capucine Trochet part en mer avec le même élan qu’une plongée dans des bras amoureux. En mer, Capucine se sent si bien qu’elle oublie ses douleurs aux jambes. "Ah ça c’est un pouvoir merveilleux de la mer, je crois que c’est vraiment un lieu de bien-être malgré les tempêtes et les coups durs, la fatigue, le froid. Mais après sept mois passés dans mon lit, trois mois d’opération et trois mois de chantier c’était viscéral, il fallait que je parte maintenant. Le contrat avec moi-même état simple : si j’ai peur ou si je n’ai plus de plaisir je m’arrête."
Jouer "les Mystérieuses cités d’or" à l’harmonica, regarder les nuages pour planifier ses journées, s’accorder deux siestes de cinq minutes la nuit, peindre des aquarelles avec de la rouille, relire les récits de montagne de Frison-Roche à la lumière de sa lampe à huile ; discuter avec des dauphins. Mais aussi écoper dans le vent fort des centaines de litres d’eau ; manquer d’être avalée par un cargo en mer méditerranée ; affronter une tempête dans le détroit de Gibraltar.
"A bord, nous n'avions pas de VHF. Et c’était complètement fou avec des murs d’eau, le bateau a un moment est parti soulevé par une vague, on a dû tomber de huit mètres. Mais dans le moment, on est tellement concentré qu’on ne laisse pas la peur prendre le dessus." D'ailleurs, Capucine estime qu’aucune tempête ne sera plus violente que ce qu’elle a enduré à terre à cause de sa maladie.
"En Méditerranée, il me faut à peu près 15 minutes pour qu’un petit point sur l’horizon soit un cargo sur ma position donc je ne peux pas me permettre de dormir plus. On est trempé, en mouvement tout le temps, moi je connais les sons de mon bateau par cœur donc, à l’écoute je sais s’il y a un problème." Aux nouvelles technologies qu’elle utilise de façon modérée, Capucine préfère utiliser ses cinq sens pour naviguer. Tara Tari signifie "vite" en Bengali. Amusant pour celle qui fait l’éloge de la lenteur. "C’est vrai que mon voyage était lent mais ça m’a permis de partager des journées à côté de tortues." Quant à la performance, elle consiste à se connecter à soi. "C’est la vie, tout ce que j’ai vécu à bord, avec amour et intensité." Pour la navigatrice, "se rapprocher du cœur du monde, c’est se rapprocher de soi et du grand tout auquel nous appartenons."
Tara Tari est actuellement amarré en Guadeloupe, Capucine Trochet envisage de repartir avec lui dès que possible.
Son vœu le plus cher pour 2021 ? "Que chacun ressente de la douceur pour essayer de se trouver. Maintenant plus que jamais s’écouter pour trouver son bien-être."
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