C'était comment ? "A Bobigny, rien ne change"
Dix jours après le viol présumé de Theo, à Aulnay sous-bois et au lendemain de manifestations violentes, en banlieue parisienne, l’atmosphère reste tendue. Notamment à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Nathalie Bourrus y était.
C’était… dans l’attente. Œil rivé sur les portables, ou les montres. Regards de travers. Suspicion. Gêne. Ou peur.
Ce lundi matin, et cet après-midi, rien ne se passait à Bobigny. Mais tout pouvait arriver. La vie en suspens. Dès la sortie du métro, ligne 5, la dalle de béton vous accueille. Le soleil vous aveugle. Un vent glacial vous saisit.
Écrasé par les énormes bâtiments administratifs, l’esplanade Jean Moulin voit défiler les mamans et les gamins accrochés à leurs basques. Ce sont les vacances scolaires, et on s’ennuie sec. Le vent me pousse un peu plus loin.
Le grand M (M comme Macdo) regorge de jeunes, avec au moins autant d’adultes. La préfecture, elle, attend les demandeurs d’asile.
- "Bonjour, je suis journaliste."
-"Oh, ça va vous hein… fichez nous la paix !"
Tant pis. Je marche, poussée par ce vent. Le soleil vient se coller aux parois du conseil départemental. Des vitres teintées, des vitres brisées. Les éclats de samedi, quand la manif pour soutenir Theo, est partie en vrille, samedi 11 février.
-"Bonjour, je suis journaliste." Je m’aperçois que l’homme est au téléphone.
Il porte un uniforme, celui de la RATP. Il parle avec un policier. "D’après nos infos, des jeunes viendraient de Drancy, en bus." Il raccroche.
Moi : "Alors, ça va recommencer ?"
Lui : "On ne sait pas... peut-être."
Des policiers toujours mobilisés
Il regarde autour de lui. L’œil inquiet. "Il y a pas mal de policiers en position, vous savez."
Moi : "Je sais, je les ai vu, par petites grappes, un peu partout…mais bon, ça n’empêche pas."
Lui : "Il faut qu’ils se montrent."
Je poursuis ma route, toujours poussée par ce vent glacial.
- "Bonjour je suis journaliste."
La dame s’arrête, demande à sa petite fille de s’éloigner. "C’est très grave ce qui se passe dans les quartiers, vous savez."
Moi : "Je sais."
Elle : "Oui oui, tout le monde le sait. Mais rien ne change."
Le vent vient troubler son voile noir.
"Moi, j’ai deux grand garçons, je suis derrière tout le temps, je les lâche pas, ils auront un boulot" dit la dame.
Quand t’as pas de boulot en banlieue, tu deviens rien… et après, t’as la haine. Tu pètes les plombs.
Une dame dans les rues d'Aulnay-sous-Boisà franceinfo
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