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Cinéma week-end. "La llorona" de Jayro Bustamante : le fantastique au service du politique

Au Guatemala, c'est par le genre que se racontent les pages sombres de l'histoire contemporaine.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Maria Mercedes Coroy dans "La llorona" de Jayro Bustamente (ARP Distribution)

Le réalisateur Jayro Bustamante, scénariste et producteur de cinéma guatémaltèque choisit le fantastique, mâtiné de chamanisme, pour raconter l'impossible reconnaissance du génocide des indiens dans son pays durant la dictature militaire, au début des années 80.

Il choisit aussi de ne pas nommer directement les protagonistes de cette tragédie, car dit-il, "le Guatemala est encore dans le déni". Mais il reste près des faits : un général qui a participé au coup d'État de 1982 est jugé pour le massacre délibéré des populations autochtones. Condamné lourdement, sa peine sera cassée en 2013 par la cour constitutionnelle. La llorona, la pleureuse, est une figure de tradition populaire, dont les origines sont autant coloniales, catholiques, que locales, précolombiennes.

Maria Mercedes Coroy est très jeune, mais elle a utilisé les récits de sa mère pour incarner ce personnage

Jayro Bustamante

Dans le film, elle apparaît sous les traits d'une jeune domestique, indienne, embauchée dans la maison du vieux général, et à son arrivée, tout se dérègle, se distord, vision cauchemardesque pour le tyran vivant reclus durant son procès. En fait, la Llorona n'apparaît qu'aux yeux des meurtriers, pour leur rappeler leurs fautes.

Esthétique soignée, couleurs saturées, pâleur exacerbée du vieil homme, le film est envoûtant et doit énormément à son actrice principale, Maria Mercedes Coroy, que Jayro Bustamante avait castée dans son premier film.    

Scandale de Jay Roach  

D'abord les faits : juillet 2016, avant l'affaire Weinstein, Roger Ailes doit démissionner de Fox News, qu'il a fondée. Les stars féminines de la chaîne ultra-conservatrice, le font tomber pour harcèlement sexuel. Scandale fait le récit détaillé de cette affaire qui a secoué l'Amérique, avec un casting de luxe : Charlize Theron, Nicole Kidman Margot Robbie, incarnent trois générations de présentatrices que la chaîne a façonnées en bimbos, blondes, des Barbies journalistes filmées comme tel.

Jay Roach qui a réalisé les Austin Powers opte pour une mise en scène musclée, il parvient à faire le show dans une banale salle de rédaction. Mais il élude le fond politique, les idées nauséabondes de Fox News, que portent aussi ces femmes, victimes d'un patron pervers.

Pour autant, voir ces trois actrices, incarner avec autant de force la révolte contre le pouvoir masculin, renvoie à leurs propres conditions d'actrices hollywoodiennes, qui ont accepté les règles du jeu, instrumentalisé leurs propres corps, mais qui, dans l'époque actuelle, renversent la table pour notre plus grand bonheur.  

Le photographe, romance indienne signée Ritesh Batra    

Le réalisateur et scénariste indien Ritesh Batra, qui avait séduit avec The Lunchbox en 2013, renoue avec les rencontres de hasard. Ici, un photographe pour touristes et une brillante étudiante. Lui est d'une caste inférieure et veut rassurer sa grand-mère qui désespère de le voir célibataire. Elle, engoncée dans une famille aisée, accepte de jouer à la fiancée pour rendre service à cet homme ténébreux.

Tout en délicatesse, le film avance dans la dramaturgie de ce mensonge propice aux situations cocasses, et vers ce qui pourrait être le début d'une histoire d'amour. Ritesh Batra passe par l'intime pour raconter l'Inde actuelle, entre poids des discriminations sociales et modernité sauvage.                  

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