Chine : qui pour s'occuper des personnes âgées ?
Li Weiguo sert
le thé dans des verres en carton, et offre une cigarette à Zhang Wei, son ami
de longue date. La petite soixantaine, les deux hommes sont retraités depuis
plusieurs années déjà et ils ont chacun une fille unique. Li Weiguo vit avec
sa femme dans un petit 2 pièces d'un quartier populaire de Shanghai. Le confort
est sommaire. Mais au moins, le couple est propriétaire. Et contrairement à
beaucoup de parents chinois, ils ne demandent pas d'argent à leur enfant. "Je touche 340 euros
de retraite par mois. Avec celle de ma femme, on arrive à 600 euros. Ca nous
suffit pour vivre. En fait, ce qui m'importe c'est que ma fille vive bien ", explique Li Weiguo.
Vivre
chichement pour économiser en cas de coup dur, c'est le quotidien de nombreux
retraités en Chine. Car la politique de l'enfant unique a changé la donne. Deux
parents ne peuvent plus se reposer sur un seul enfant.
Alors que
feront Li Weiguo et Zhang Wei quand ils seront trop vieux pour rester chez
eux ? Iront-ils, comme le veut la tradition, habiter dans la famille de
leurs filles respectives ? Apparemment
non, car ces dernières refusent cette option. Selon Zhang Wei, "Avant, si un enfant
ne voulait pas prendre ses parents chez lui, il y avait d'autres frères et sœurs
pour les héberger. Aujourd'hui, on ne peut plus. Et les enfants ne veulent pas
habiter avec leurs parents. Si ma fille devait nous prendre à la maison, il
faudrait qu'elle prenne aussi les parents de son mari, on n'arrêterait pas de
se disputer ".
Li Weiguo reconnaît que "ce n'est non plus pas
facile pour eux. Je ne vois pas comment ils peuvent s'occuper de 4 personnes
âgées. Quand on sera trop vieux, on ira à la maison de retraite pour ne pas
peser sur nos enfants ".
Encore
faut-il trouver une structure d'accueil. Et ce n'est pas simple dans une Chine
vieillissante. Les plus de 60 ans représentent 14% de la population. Ils
atteindront les 30% d'ici à 2050. En ville, les maisons de retraites saturent, et
ne sont pas forcément médicalisées. Le personnel est peu qualifié.
Débordé, le
gouvernement chinois a donc ouvert le secteur aux entreprises privées, qui ont
fait monter les prix bien au-delà de ce que Zhang Wei et sa femme peuvent
s'offrir avec leurs 730 euros par mois : "Les maisons de
retraites qui sont biens, elles sont chères. 700 euros le mois par personne.
Pour une maison de retraite de base, il faut compter 250 euros. Si on n'a pas assez, on louera notre appartement. Mais si
on tombe gravement malade, ce ne suffira pas ".
Cette angoisse
pèse aussi sur les enfants uniques. La fille de Li Weiguo a déménagé à plus de 1.000 km de Shanghai en échange d'un travail
bien payé, qui lui permet de mettre de côté. Mais elle ne revient qu'une à deux
fois par an. Un crève-cœur pour son père : "Quand on est vieux,
on veut juste voir nos enfants régulièrement. On se sent seul ! "
L'isolement
des personnes âgées est tel qu'une loi a été adoptée en décembre dernier :
elle exige que les membres de la famille rendent visite à leurs aînés, sous
peine de poursuites judiciaires.
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