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États-Unis : quand le complotisme s'installe dans la campagne présidentielle
Après 2016, puis 2020, une partie de l'électorat américain a glissé vers un complotisme assumé. Leur nouvelle cible : Kamala Harris. Le sénateur américain J. D. Vance, colistier de Donald Trump, affirme lors d'un rassemblement le 5 septembre dernier que les démocrates soutiennent la fraude électorale : ils veulent que les immigrés clandestins "volent le vote de tout le monde". L'un de leur argument phare : les démocrates chercheraient à faire voter les personnes qui n'ont pas la nationalité américaine. Sauf que les étrangers n'ont pas le droit de voter aux élections fédérales, ni aux élections présidentielles. Comme le souligne Rudy Reichstadt, l'immigration est utilisée comme une arme pour "truquer" et donc "voler" l'élection.
Pendant ce temps, Donald Trump continue d'affirmer sans preuve sur son réseau Truth Social que le Parti démocrate incite les migrants à entrer illégalement afin de les faire voter pour Kamala Harris.
Pour Tristan Mendès France, les discours anti migrants ont des conséquences dans le réel : fermetures d'hôpitaux à la suite de menaces d'attentats à la bombe, d'un campus à la suite de menaces d'attaques armées contre des Haïtiens dans une université, évacuation de la mairie de Springfield à la suite de menaces d'alerte à la bombe...
Deux tentatives d'assassinat contre Trump
"Celui qui a essayé d'assassiner Trump était-il un agent de la CIA ?" Un internaute complotiste revient sur cette tentative d'assassinat de l'ancien président, le 15 septembre dernier. Ryan Routh, 58 ans, a été arrêté le 15 septembre alors qu'il fuyait après avoir été repéré par les agents du Secret Service embusqué dans un buisson, avec un fusil semi-automatique, près du parcours de golf sur lequel jouait l'ancien président. Avant lui, c'est Thomas Crooks, 20 ans, originaire de Pennsylvanie, qui avait tenté d'assassiner l'ancien président républicain et candidat à la présidentielle. Ce dernier avait été blessé à l'oreille droite et évacué en plein meeting à Butler, en Pennsylvanie, samedi 13 juillet.
Selon Rudy Reichstadt, "cette théorie du complot s'inscrit dans l'histoire longue des théories du complot sur les tentatives d'assassinat, réussies ou ratées, contre des présidents aux États-Unis".
"Par analogie, on explique que Thomas Crooks a connu le même sort que Lee Harvey Oswald. Or, la première chose qu'il faut noter, c'est que dans toute l'histoire des attentats présidentiels américains, il n'y a jamais eu un seul cas où plus d'un tireur a tiré sur le président."
Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy WatchComplorama
"C'est la raison pour laquelle l'attentat du 13 juillet 2024 n'est probablement pas un complot mais, comme souvent, une initiative personnelle", poursuit le directeur du site Conspiracy Watch.
Après cet événement, Donald Trump sera présenté en martyr. "Dans la seconde affaire, celle qui implique Ryan Routh, on est dans une configuration très différente, poursuit Rudy Reichstadt. Là où Thomas Crooks a été abattu, Ryan Routh lui a été arrêté. Enfin, le plus important, là où Ryan Routh n'a même pas utilisé son arme (...), Thomas Crooks, lui, a eu le temps de tirer huit coups de feu et de faire un mort parmi les spectateurs. S'agissant de l'attentat du 13 juillet, Trump est véritablement un miraculé."
Une partie des théories du complot liées à la tentative d'assassinat de Donald Trump provient d'internautes qui se revendiquent "libéraux" et progressistes. Les médias américains, dont Washington Post, parlent même d'un "BlueAnon", une tendance démocrate au conspirationnisme. Mais pour Tristan Mendès France, "le fait que des démocrates se laissent aller à ce genre de théories est surtout le symptôme du délitement de la qualité de la consommation de l'information aux Etats-Unis (...) Du côté démocrate, on n'a pas de candidat qui alimente et légitimise ces théories auprès de ses électeurs". Rudy Reichstadt l'assure : "Il n’y a pas de commune mesure ni de symétrie entre ce que les médias ont appelé les BlueAnon, par analogie avec QAnon, et QAnon qui est un véritable mouvement, structuré, qui irrigue une très large partie des sympathisants de Trump. Et surtout, Trump en joue volontiers".
Kamala Harris, cible favorite des complotistes
Lors du débat face à Kamala Harris sur le plateau de la chaîne télévisée ABC le 10 septembre, l'ancien président a affirmé que les démocrates paient les gens pour participer aux meetings de Kamala Harris. "C'est bien évidemment faux", répond Rudy Reichstadt qui y voit un complotisme "narcissique".
Kamala Harris est aussi devenue la cible des pro-Trump. Parmi les théories, celle bien connue du birtherism. "On a vu réapparaitre ce dispositif complotiste prisés par les pro-Trump et Trump lui-même, qui consiste à expliquer qu'un candidat, ici Kamala Harris, ne serait pas de nationalité américaine et que donc elle serait illégitime en tant que candidate, rappelle Tristan Mendès France. On appelle ça le birtherism et Barack Obama en avait fait déjà en 2011 de la part de Trump. Pour en revenir à Kamala Harris, on l'a peut-être oublié mais déjà en 2020, lorsqu'elle a été nommée vice-présidente de Biden, Trump avait déjà sous-entendu qu'elle ne serait peut-être pas américaine."
Depuis fin juillet, la candidate démocrate est visée par une violente campagne de diffamation en ligne. Selon les trumpistes, Kamala Harris serait en réalité un homme. Un procédé calomnieux typique de la complosphère.
"Etats-Unis : quand le complotisme s'installe dans la campagne présidentielle", c'est le 73e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences et membre de l'observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.
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