Géorgie : face à une répression qui se durcit, les manifestations antigouvernementales se poursuivent sous les décorations de fin d'année

La Géorgie est toujours en crise depuis que le parti au pouvoir Rêve géorgien a revendiqué la victoire aux élections législatives en octobre. Le gouvernement, accusé de dérives autoritaires pro-russes, semble cette fois vouloir mettre fin à la démocratie de cette ex-république soviétique.
Article rédigé par franceinfo - Régis Genté
Radio France
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Temps de lecture : 4min
Rassemblement organisé près du Parlement, contre la suspension par le gouvernement des négociations d'adhésion à l'UE et après l'élection de Mikheil Kavelashvili à la présidence, à Tbilissi. (SOPA IMAGES / LIGHTROCKET)

La Géorgie est secouée par des manifestations quotidiennes depuis près d’un mois, contre le gouvernement pro-russe qui a décidé de suspendre le processus de rapprochement avec l'Union européenne. Cette crise politique s’inscrit dans une longue série qui dure depuis 2019 au moins et toutes provoquées par la politique d’un gouvernement en rupture avec l’Occident et se rapprochant de Moscou.

La Géorgie est une jeune démocratie, mais animée d’une vraie humeur démocratique. On y vote assez librement, on proteste, dit son opinion. Mais le rapprochement avec Moscou s’accompagne d’une tentative de changements profonds dans la gouvernance. La présidente de la république Salomé Zourabichvili, elle, refuse toujours de reconnaître le résultat des élections législatives du 26 octobre 2024, entachées de fraude - qui ont mis le parti pro-russe au pouvoir. Si elle subit des intimidations, elle tient bon et en appelle à l'UE - qu'elle accuse de lenteur, et se sent soutenue par la population.

Des lois passées hâtivement pour mieux réprimer

Cette fois, sur fond de guerre en Ukraine et sous la pression de Moscou, le pouvoir jette les bases d’un régime autoritaire. Cela a été le cas au printemps avec l’adoption de la loi sur les "agents de l’étranger", inspirée de la loi russe de 2012, adoptée malgré deux mois de manifestations. À l'occasion des protestations en cours, le gouvernement adopte à la va-vite des lois permettant de réprimer plus facilement les contestations, de licencier plus aisément les fonctionnaires, etc.

Avec 80% des 3,7 millions de Géorgiens qui disent vouloir devenir membres de l’UE, Moscou comme le pouvoir en place ne peuvent pas ouvertement afficher leur rapprochement. Le parti au pouvoir, le Rêve géorgien de l’oligarque Bidzina Ivanichvili, qui a fait toute sa fortune en Russie, se montre moins pro-russe qu’anti-occidental, en reprenant le narratif russe qui ternit l’image de l’Europe, forcément décadente, homosexuelle, etc.

Côté russe, le Kremlin pousse son vassal à faire des choses qu’il ne ferait jamais de lui-même. L’adoption de la loi sur les agents de l’étranger est un bon exemple, car elle a provoqué la crise qui dure depuis 8 mois, alors que sans cela, le parti Rêve géorgien aurait pu remporter sans tricher les parlementaires du 26 octobre.

Un maximum de pression sur une région séparatiste

De même, en septembre, en pleine campagne électorale, Bidzina Ivanichvili a dit qu’il faudra que les Géorgiens s’excusent auprès des séparatistes des régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud : on ne peut pas faire pire argument électoral en Géorgie, mais on comprend que cela sert les intérêts de Moscou.

La crise qui secoue la région séparatiste de l’Abkhazie est d'ailleurs aussi à mettre au compte de la pression de Moscou, du moins en grande partie. Le Kremlin a voulu forcer cette petite province des bords de la mer Noire à adopter aussi une loi sur les agents de l’étranger et les députés abkhazes ont refusé. Ensuite, Moscou a voulu imposer une loi favorisant les investissements russes dans la province.

Là encore, les députés abkhazes ont dit "non". Alors Moscou a mis la pression sur la province en ne lui versant plus de subsides budgétaires et en contribuant à créer une crise énergétique, qui fait que les 250 000 habitants de l’Abkhazie n’ont plus que quelques heures d’électricité par jour.

C’est dans ce contexte qu’un député a tué par balle un de ses collègues, jeudi 19 décembre.

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