Présidentielle en Tunisie : le président Kaïs Saïed muselle l'opposition et promet de s'attaquer aux problèmes économiques lors de son prochain mandat

Les Tunisiens votent dimanche pour élire leur président de la République, avec trois candidats en lice. Les sondages sont interdits, mais Kaïs Saïed est le grand favori à sa propre succession.
Article rédigé par franceinfo - Mathieu Galtier
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Kaïs Saïed, le 23 décembre 2023. (FETHI BELAID / AFP)

Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, le président Kaïs Saïed a progressivement réduit au silence toute forme d’opposition. Et malgré trois candidats en lice pour l'élection présidentielle de dimanche 6 octobre, le scrutin semble verrouillé en vue de sa réélection. Depuis le printemps arabe et le renversement en 2011 du dictateur Ben Ali, les Tunisiens sont restés empêtrés dans des difficultés politiques et économiques, et le parti Ennharda, le plus puissant du pays, a perdu en popularité.

La Tunisie est pourtant devenue une démocratie en 2011, avec une société civile forte. Kaïs Saïed a su conserver une image d'homme intègre auprès de la population. Les Tunisiens parlent volontiers de décennie noire entre 2011 et 2021 à cause de la crise économique et politique. Kaïs Saïed a d'ailleurs promis de s’attaquer à l’économie durant le prochain quinquennat.

Mise à l'écart d'Ennahdha

Arrivé à la présidence en 2019 avec une étiquette d'indépendant, Kaïs Saïed écarte en 2020 les ministres membres du parti Ennahdha. Et en juillet 2021, à la suite de suspicion de corruption, il limoge son gouvernement sous les applaudissements de la foule, et gèle les travaux du Parlement. Il dit alors vouloir réformer un système paralysé et corrompu. L’Assemblée n’avait pas de majorité et les lois n’étaient plus votées.

Trois mois plus tard, Kaïs Saïed s’attribue le droit de légiférer par décret présidentiel. En juillet 2022, le chef de l’État fait approuver par référendum une nouvelle Constitution, dans laquelle la justice n’est plus un pouvoir mais est une simple fonction. Le président peut révoquer les juges à sa guise.

À partir de février 2023, les principales figures politiques sont en prison, aussi bien des personnalités de gauche que des islamistes ou des nostalgiques du régime de Ben Ali. La plupart sont poursuivis pour complot contre l’État et risque la peine de mort. Kaïs Saïed reste donc seul en lice ou presque. Ses deux adversaires sont peu connus et l’un d’eux, de tendance centre droit, est en prison pour avoir falsifié des parrainages afin de se présenter.

Des opposants prêts à contester la réélection

Concernant les associations, le président les a également réduites au silence. En septembre 2022, il a promulgué un décret-loi interdisant la diffusion de fausses nouvelles. Mais ce faisant, il permet au régime d’emprisonner toute personne qui critique le pouvoir en place, que ce soit dans les journaux, dans la rue ou sur les réseaux sociaux.

Dans cette Tunisie qui semble tourner la page de la démocratie, la campagne électorale est atone. Dans la rue, les affiches sont rares. Les meetings et les débats sont inexistants. Le vrai suspens réside dans le taux de participation et l’opposition se divise sur deux stratégies. Certains appellent au boycott pour ne pas valider une élection qu’ils jugent biaisée. Pour eux, plus la participation sera faible, plus cela montrera l’impopularité du président. D’autres appellent à voter pour l’un des deux adversaires du président pour lui faire barrage. Ils sont prêts à contester les résultats devant la justice en cas de réélection du président.

En juillet 2024, le tribunal administratif avait exigé la réintégration de trois candidats à la course présidentielle. L’instance électorale avait refusé de suivre cette décision. Mais ce jugement avait fait naître l’espoir, chez une partie de l’opposition, de gagner la bataille judiciaire.

Le 27 septembre, les députés ont amendé en urgence la loi électorale pour donner la compétence des litiges électoraux à la justice pénale et non plus au tribunal administratif. Or, la justice pénale est réputée acquise au président. Jeudi 3 octobre, une cour d’appel a confirmé la peine de 20 mois de prison pour Ayachi Zammel, l’adversaire de Kaïs Saïed qui a le plus de chances de rallier les votes des opposants.

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