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Culture d'info. Rodolphe Marconi : "Pour que les agriculteurs soient payés à un prix juste, c'est aussi à nous de nous responsabiliser"

Le documentariste Rodolphe Marconi, auteur de "Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes" qui sort en salles mercredi prochain, 26 février, a suivi un éleveur laitier d'Auvergne au bord du gouffre.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Rodolphe Marconi, documentariste auteur du film "Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes" (VANESSA FILHO)

Rodolphe Marconi, réalisateur du documentaire "Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes" sur les écrans le 26 février prochain, en plein salon de l'agriculture a suivi pendant quatre mois un jeune éleveur de vaches laitières en Auvergne, étranglé par les dettes et la solitude.

franceinfo : Avez-vous été surpris par la solitude de ce jeune agriculteur ?

Rodolphe Marconi, cinéaste : Quand vous êtes vraiment seul et que le courrier arrive et s'amoncelle, les factures et les relances et les huissiers, tout ça, c'est beaucoup plus difficile. Moi, je pensais que dans les campagnes reculées comme ça, les gens étaient solidaires. Pas du tout. J'ai été très étonné que la plupart des voisins ne se parlent pas. Il n'y a pas cette idée que j'avais peut-être de l'entraide. Quand un tracteur tombe en panne, on va aller chez le voisin chercher le tracteur du voisin. Il n'y a pas ça, en fait.

J'ai retrouvé des images à l'INA des années 50 à 80. Il y a des choses qui n'ont pas du tout, du tout, changé en 50, 60 ans, dans la façon de vivre, de se lever le matin, d'aller chercher les œufs. Cyrille avait le poids de ce bâtiment, de cette entreprise, on va dire, et il a le poids d'un monde très dur.

Un monde très dur et qui n'est plus fait pour les petits ?

C'est la grande question, mais est-ce qu'aujourd'hui, on ne peut rien faire ? Moi, je pense qu'on peut faire quelque chose, que c'est à nous aussi de se responsabiliser. Je sais, c'est quelque chose qu'on entend souvent. Mais est-ce que quand on va faire les courses, je vais prendre cette bouteille de lait et pas celle-ci, parce qu'elle coûte 5 centimes de plus? Mais au moins, je sais que l'agriculteur laitier sera payé à un prix un peu plus juste. Je ne peux pas accepter que le lait soit acheté 29 ou 30 centimes. Je ne comprends pas ce qu'on attend. Ça fait 60 ans que l'on parle de cette histoire de prix du lait, donc on l'achète 29 ou 30 centimes. Il est revendu 1 euro, 1,50 euro, je ne comprends pas.

Cyrille ne produit pas suffisamment à certains moments pour pouvoir vendre son lait ?

C'est ça, c'est exactement ça. Parce qu'au départ, ça allait, évidemment, quand vous vous installez et que vous faites un emprunt de 250.000 euros, il faut rembourser l'emprunt. Mais les premières années, ce n'était pas Byzance, mais il y arrivait. Le problème, c'est que deux années de suite, il y a eu la sécheresse. Quand vous avez deux années de sécheresse, ça veut dire que les vaches ne peuvent plus manger. Si elles ne mangent pas assez, elles font moins de lait. Si elles font moins de lait, il n'aura pas ses 300 litres de lait par semaine. S'il n'a pas les 300 litres, Sodial ne se déplace pas pour venir chercher le lait.

Qu'est-ce qu'on fait du lait ? Donc Cyrille, à la baratte avec ses mains, il fait du beurre qui s'arrache comme des petits pains. Parce que son beurre est extraordinaire, il arrive au marché le samedi matin et les gens, en un quart d'heure, il leur a vendu toutes ses plaquettes. Mais ce n'est pas suffisant, évidemment, pour faire tourner tout ça. Ce qui l’a achevé, c'est qu'après, il a perdu 8 vaches, alors qu’il venait de les acheter. Je crois qu'il s'était fait un peu avoir.

Il y a quasiment un agriculteur par jour qui se suicide en France. Cyrille, que vous avez suivi, lui, heureusement, n'est pas passé par là. Mais ce n'est peut-être pas passé loin ?

Non, je l'ai su il n’y a pas longtemps. Il a dit à son meilleur ami qu'on voit dans le film qui me l'a répété, que si je n'avais pas été là durant ces quatre mois-là, les quatre mois de descente, il en se serait passé là.    

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