Allemagne : l'extrême droite remporte une élection régionale, une première depuis l'après-guerre

Le parti AfD, "Alternative pour l'Allemagne", est arrivé en tête du scrutin régional en Thuringe, frôlant également la victoire dans la Saxe voisine. Une première depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et un coup de semonce pour la coalition au pouvoir.
Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Björn Höcke, chef du parti et du groupe parlementaire de l'AfD en Thuringe, le 1er septembre 2024. (JACOB SCHROTER / DPA)

Le succès était annoncé, il est finalement sans appel. Le parti d'extrême droite "Alternativ für Deutschland" (AfD) est arrivé premier en Thuringe, et a frôlé la victoire dans la Saxe, lors d'un scrutin régional qui avait lieu, dimanche 1er septembre, dans ces deux Länder du centre-est de l'Allemagne. Une victoire nette pour l'AfD, crédité de plus de 33% des voix en Thuringe, loin devant les conservateurs de la CDU, relégués à 24,3%.

Deux régions de l'ex-Allemagne de l'Est

La Thuringe est une région assez rurale, d'à peine plus de deux millions d'habitants (2,5% de la population allemande), et qui abrite des villes comme Iena ou Weimar. Pas de grosses métropoles, mais un ensemble de villes périphériques où le sentiment d'abandon est assez fort, comme dans une bonne partie de l'ex-Allemagne de l'Est. Là, de nombreux habitants vivent encore avec le sentiment d'être des citoyens de seconde zone, oubliés des gouvernements successifs.

L'AfD a capitalisé sur ce ressentiment, comme sur le choc suscité par l'attaque terroriste de Solingen du 23 août, qui a profondément marqué l'opinion. La tuerie, revendiquée par le groupe État islamique, a nourri la colère contre la coalition au pouvoir, pointée pour ses défaillances sur l'immigration et sur la sécurité. Et puis le parti alternatif séduit les jeunes, chez qui il parvient à véhiculer une image positive, à grands coups de vidéos sur les réseaux sociaux.

Coalition malmenée à un an des législatives

Mais si l'AfD a gagné, il ne devrait pas pouvoir gouverner dans cette région, faute d'alliés. Même dans un pays rompu aux coalitions et aux compromis, aucun parti ne souhaite faire d'alliance avec le mouvement, comme l'a répété hier soir la direction de la CDU qui, arrivée en deuxième position, s'est opposée à tout accord de gouvernement régional avec l'AfD. Alliance a priori impossible aussi avec le BSW (le parti populiste de gauche Bündnis Sahra Wagenknecht), arrivé en troisième position. Ce parti jouera un rôle d'arbitre dans les négociations à venir pour gouverner ces régions, mais ces discussions pourraient aboutir à des coalitions assez baroques.

Le succès du BSW constitue l'autre surprise du scrutin. Fondé il y a seulement un an par une figure de la gauche radicale, Sahra Wagenknecht, le mouvement défend une politique de justice sociale, mais se distingue à gauche par une ligne opposée à l'immigration et favorable à l'arrêt de l'aide militaire à l'Ukraine. Avec 15,8% des voix en Thuringe et 11,8% en Saxe, le BSW a siphonné les voix de son ancien parti Die Linke (La Gauche), sans parvenir pour autant à empêcher la poussée de l'extrême droite.

Fragilisée par ses divisions et par un mauvais bilan économique, la coalition au pouvoir est en échec lors de ces deux scrutins régionaux. L'Allemagne est entrée en récession, et le PIB allemand a encore décliné de 0,1% entre avril et juin. Si le SPD du chancelier Olaf Scholz (parti fondé... en Thuringe) limite les dégâts en Saxe, il connaît un recul de 2,2 points en Thuringe - où il obtient seulement 6,1% des voix, et où ses alliés des Verts et du FDP (parti libéral-démocrate) s'effondrent. En cumulant les voix des trois partis de la coalition au pouvoir, le score ne dépasse pas 15% dans cette région, et même si elle est relativement peu peuplée. Le coup de semonce est important à un an des élections législatives.

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