Iran : le président iranien peut-il réellement empêcher la police des mœurs de "déranger les femmes", comme il le promet ?

Deux ans de la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour un voile mal ajusté, le nouveau président Massoud Pezeshkian s'est engagé à desserrer l'étau qui pèse sur les femmes en Iran. Difficile pourtant de croire à des changements en profondeur.
Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Banderole électorale du candidat réformateur iranien Massoud Pezeshkian à Téhéran, le 26 juin 2024, avant le vote. Ilustration. (RAHEB HOMAVANDI / AFP)

Des cris ont résonné dans plusieurs villes du pays, depuis dimanche 15 septembre. Deux ans ont passé depuis la mort de Mahsa Amini, cette étudiante d'origine kurde de 22 ans, qui avait succombé trois jours après son arrestation par la police des mœurs, mais la colère affleure encore dans la société iranienne, en particulier dans la jeunesse.

Une colère que le régime de Téhéran a sévèrement réprimée, mais que le nouveau président veut tenter d'apaiser. Arrivé au pouvoir après la mort de l'ultra conservateur Ibrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère en mai dernier, Massoud Pezeshkian avait promis pendant sa campagne électorale de retirer des rues la police des mœurs. Cette unité surveille notamment le port du voile obligatoire pour les femmes, instrument du pouvoir pour contrôler la population.

Promesse de déverrouiller les réseaux sociaux

La promesse a été réitérée, lundi 16 septembre, face à la presse lors de cette journée lors de sa première conférence de presse depuis son élection en juillet. "La police des mœurs n'est pas censée affronter [les femmes], je veillerai à ce qu'elle ne [les] dérange pas", a déclaré Massoud Pezeshkian, président au profil bien plus modéré et réformateur que son prédécesseur.

Un petit pas en avant, qu'il accompagne de la promesse de déverrouiller les réseaux sociaux, alors que des applications comme WhatsApp et Instagram sont bloquées depuis le début du soulèvement il y a deux ans. Mais le président n'a pas les mains libres, ou si peu. Le Parlement reste sous le contrôle des "durs" du régime, les Gardiens de la Révolution, qui veillent sur la police et la justice. Et le pouvoir reste entre les mains de l'ayatollah Khamenei, Guide suprême depuis 1989. C'est lui qui est visé par les chants des manifestants dans les rassemblements depuis deux ans, notamment aux cris de "à bas le dictateur", même slogan qui visait le Chah lors de la révolution de 1979.

La prix Nobel de la paix lance un appel

Depuis sa prison d'Evin, à Téhéran, Narges Mohammadi, emprisonnée depuis deux ans, a sommé la communauté internationale de "sortir du silence et de l'inaction" face à l'oppression des femmes en Iran. Une prison où sont détenues des centaines d'artistes, d'intellectuels et d'opposantes, dont 34 ont mené une symbolique grève de la faim dimanche dernier. Elles n'hésitent pas à entonner des chants pour célébrer le souvenir de Mahsa Amini, et appellent à poursuivre le combat pour la liberté et contre la peine de mort. Un enregistrement clandestin dévoilé par l'avocate Chirinne Ardakani sur France Inter permet de les entendre.

En 2023, 834 condamnés à mort ont été exécutés dans les prisons iraniennes, dont au moins 22 femmes et 8 manifestants, selon un rapport publié conjointement par Iran Human Rights (IHRNGO) et Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM).

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