"L'immunité" de Benyamin Nétanyahou plane sur la négociation de cessez-le-feu au Liban
C'est une question particulièrement épineuse pour la diplomatie française. Alors que la France participait depuis des semaines à des négociations avec Israël pour obtenir un cessez-le-feu au Liban, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a été officiellement visé par un mandat d'arrêt, émis par les juges de la Cour Pénale Internationale, jeudi 21 novembre.
Décision qui soulève une question délicate pour la France : Benyamin Nétanyahou serait-il arrêté s'il venait dans notre pays, maintenant qu'il fait l'objet de ce mandat d'arrêt, et alors quer la France est signataire de la Charte de Rome, fondatrice de la CPI ? À cette question, les autorités françaises offrent une réponse embarrassée ces derniers jours, le ministre des Affaires Étrangères répétant que "nous appliquerons le droit", sans jamais donner de détails sur son éventuelle traduction concrète.
Dans un communiqué publié mercredi 27 novembre, quelques heures après l'entrée en vigueur d'un accord de trêve au Liban, le Quai d'Orsay a développé un nouvel élément, brandissant la carte de l'immunité diplomatique du Premier ministre israélien, en tant que chef d'État ou de gouvernement. Un cas de figure effectivement prévu par le statut de Rome, instituant la CPI, dont l'article 98 stipule qu'un État signataire, comme la France, "ne peut être tenu d’agir d’une manière incompatible avec ses obligations en ce qui concerne les immunités". Sans l'exprimer clairement, le communiqué laisse entendre que Benyamin Nétanyahou ne risquerait pas l'arrestation, s'il venait à poser le pied sur le sol français...
Le poids des négociations sur le Liban
Les discussions sur le cessez-le-feu au Liban ont-elles pesées dans la situation ? La question se pose, au regard du calendrier, et des diplomates, cités dans la presse israélienne et américaine, évoquent les tensions qui ont accompagné la fin des négociations. Le très informé Barak David, journaliste d'Axios, assure dans un article que le président américain, Joe Biden, a téléphoné à Emmanuel Macron pour lui dire "qu'il n'était pas possible de négocier un accord tout en s'engageant à arrêter le chef d'État de l'une des parties". La France a-t-elle changé de posture pour que le processus aille à son terme, et pour apparaître sur le document actant l'accord de trêve ? Sur ce point, le Quai d'Orsay dément catégoriquement, et assure que les deux dossiers n'ont jamais été liés.
Des explications qui font réagir la classe politique française, essentiellement à gauche, mais aussi les associations de défense des droits humains. "La France ment", assène la Ligue des droits de l'homme dans un communiqué où elle rappelle qu'un autre article du statut de Rome (l'article 27) invalide toute immunité, et qu'une "quelconque immunité n'empêche pas la Cour d'exercer sa compétence". Des juristes estiment également que "permettre de juger les personnes protégées par une immunité est la raison d'être de la CPI", soulignant que l'argument n'a jamais été avancé à propos de Vladimir Poutine.
Également visé par un mandat d'arrêt international, le président russe s'est rendu le 3 septembre dernier en Mongolie, pays qui s'est engagé à coopérer avec la CPI, sans pour autant être inquiété. Si la CPI a depuis réaffirmé que "l'immunité personnelle, y compris celle des chefs d'État, n'est pas opposable devant la Cour", la Mongalie a fait appel de ce jugement.
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