Dans la peau de la forêt amazonienne, plus que jamais la proie des flammes
Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu au cœur de l'actualité.
Deux départs de feu par minute, 8 700 départs en 3 jours. Voilà ce qu’on me fait subir en ce moment ! Je suis la grande forêt, la forêt amazonienne. Terminé l’océan vert, me voilà immense tâche rouge et noire figée par des images satellites qui circule sur les réseaux sociaux... enfin, qui ne circule pas assez à mon goût.
On the Global Day of Action for the Amazon rainforest #CopernicusAtmosphere aerosol optical depth analyses show the extent and transport of smoke from the regions fire season since 1 August 2022.#AmazonDay #AmazonRainforestDay #WorldAmazonDay #Sept5Act4Amazonia pic.twitter.com/3wn5PnwcNb
— Copernicus ECMWF (@CopernicusECMWF) September 5, 2022
Triste image de moi : une région immense de la taille de l’Espagne en proie aux flammes. C’est simple, je brûle davantage encore qu’à l’été 2019 où, pourtant, j'avais déjà battu des records. Souvenez-vous la passe d’armes entre Emmanuel Macron et le président brésilien Jair Bolsonaro, qui m’a tant fait de mal depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Emmanuel Macron avait alors appelé les pays du G7 à voler à mon secours. "Notre maison brûle", s’était-il enflammé sur Twitter.
Trois ans plus tard, je continue de brûler, plus que jamais, et cette fois en silence. Est-ce parce que, chez vous aussi, ça brûle ? Est-ce qu’on s’habitue aux flammes ? Aux forêts calcinées ? À l'odeur de la fumée, aux paysages dévastés ? Est-ce qu'on s'habitue aux sécheresses ? Moi qui héberge 10% de la biodiversité mondiale, je ne m'habitue pas. Chaque jour, je vois souffrir et disparaître un peu plus mes 40 000 espèces de plantes, 3 000 espèces de poissons et plus de 370 de reptiles. Mercredi 7 septembre, des dirigeants indigènes ont publié un rapport pour sonner l’alerte rouge. Un quart de mon écosystème serait irréversiblement détruit.
Absorbe 90 milliards de tonnes de CO2
Il ne sera plus possible de revenir en arrière et, ça, ce n'est pas une bonne nouvelle. Je sais que vous comptiez beaucoup sur moi pour absorber vos émissions polluantes. Je suis désolée de vous l’annoncer mais il faudra trouver quelqu’un d’autre... À force de couper, raser, brûler mes arbres pour les vendre et pour faire de la place pour l'élevage ou pour cultiver du soja, à force de me transformer en pâturages, mes sols perdent de leur fertilité. Il faut donc aller ailleurs et raser, couper, brûler toujours plus.
Pourtant, ça allait mieux. J'ai cru à un moment qu'on allait me laisser en paix. Entre 2004 et 2012, on avait presque arrêté de me déforester. Puis la crise économique et Jair Bolsonaro ont sonné le retour de l'impunité pour ceux qui me détruisent. Impunité, et même encouragement ! Résultat : ces cinq dernières années, on m'a fait plus de mal encore qu'il y a une quinzaine d'années.
Bientôt, je ne pourrai plus me régénérer toute seule. De forêt tropicale, je suis en train de me transformer en vaste savane, même si j'absorbe encore 90 milliards de tonnes de CO2. 90 milliards, ça représente deux fois les émissions annuelles dans le monde entier. Je vous laisse imaginer ce que ça donnera en terme de réchauffement climatique quand je ne pourrai plus le faire... Alors, s'il vous plaît, faites tourner les images de cette immense tâche rouge et noire. Interpellez votre président pour qu’il s’enflamme de nouveau pour voler à mon secours. Faites-le pour moi mais, surtout, faites-le pour vous.
Tous les matins à 7h26 @mdups se glisse “Dans la peau de l’info” ️
— franceinfo (@franceinfo) September 8, 2022
Et ce jeudi, Marie Dupin laisse sa place à l’Amazonie, qui ne cesse de brûler : il y a 2 départs de feu par minute. “Il faudra trouver quelqu’un d’autre pour absorber vos émissions.” pic.twitter.com/dWu9ng8WAv
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.