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Dans la peau de TotalEnergies en pleine pénurie de carburant

Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu au cœur de l'actualité.

Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une station-service TotalEnergies à Marseille, le 11 octobre 2022. (NICOLAS TUCAT / AFP)

Avec mon logo aux couleurs de l’arc-en-ciel, je suis l’entreprise Total, enfin plutôt TotalEnergies. C’est comme cela que je m’appelle depuis 2021. Nouveau nom, nouveau logo, nouveau mot d’ordre : "Total, toutes les énergies et toutes nos énergies aux services de nos clients."

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Mais, cette semaine, je suis plutôt à sec à cause d’une sombre affaire de superprofits : un bénéfice net de 16 milliards d’euros l’an dernier, dont 7 milliards serviront à rémunérer mes actionnaires. Des chiffres qui donnent le vertige, au moment où les Français s’étranglent avec la ceinture de l’inflation. Avec mes remises à la pompe, j’espérais faire passer la pilule de mes résultats. Pour une fois que j’avais du cœur ! C’était sans compter la détermination de mes 35 000 employés français réclamant leur part du gâteau, bloquant les raffineries et réveillant le souvenir de la grève générale de mai 1968, la seule fois où la France s’était réellement retrouvée en pénurie de carburant.

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Si je me présente désormais comme un acteur majeur de la transition énergétique, je suis surtout, encore et toujours, un acteur du réchauffement climatique. Les énergies renouvelables représenteraient moins de 1 % de ma production d’énergie et près de 80 % de mes investissements restent dirigés vers la production de gaz et de pétrole.

Mais la polémique ne m’effraie pas : pas question, par exemple, de suivre l’exemple de mes homologues Shell et BP en me désengageant de mes actifs en Russie après l’invasion de l’Ukraine, pas question non plus de renoncer à mes projets les plus contestés, comme en Ouganda où je prévois de construire un immense oléoduc de 1 400 kilomètres pour transporter du pétrole collant comme du Nutella qu’il faudra chauffer à 350 degrés pour le liquéfier. Vous voyez que je ne suis encore entré dans l’ère de la sobriété ! 

Pourtant, j'ai connaissance du danger lié aux énergies fossiles depuis 40 ans. C’est ce qu’a révélé une vaste enquête scientifique publiée l’an dernier, menée par des chercheurs du CNRS ayant retrouvé un article de ma revue interne évoquant les "conséquences catastrophiques" à venir pour le climat de l’utilisation croissante des combustibles fossiles. On était en 1971 et on en avait la certitude. Il aura donc fallu, avec les autres géants pétroliers, débourser des milliards pour retarder l’inévitable à venir : les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais avais-je vraiment le choix ? Après tout, comme le disait mon ancien PDG Christophe de Margerie, décédé dans un accident d’avion en Russie, "la première responsabilité d’un patron, c’est le profit".

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