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Pourquoi les gigantesques profits de Total font-ils grincer des dents ?

Article rédigé par franceinfo - Marine Cardot
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Publié Mis à jour
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La tour du groupe TotalEnergies, dans le quartier de La Défense, dans les Hauts-de-Seine, le 14 juillet 2022.  (MAEVA DESTOMBES / AFP)

Le géant pétrolier est accusé de profiter de la guerre en Ukraine, alors que les prix des carburants pèsent sur le budget des automobilistes. Malgré la ristourne de 20 centimes à la pompe consentie par TotalEnergies, les oppositions demandent une taxe sur les "superprofits" du groupe.

En 2022, tout roule pour Total. Le groupe français a plus que doublé son bénéfice net au deuxième trimestre, avec 5,7 milliards d'euros de profits. Mais dans un contexte de guerre en Ukraine, de crise climatique et de hausse des prix de l'énergie pour les ménages français, des voix s'élèvent contre l'entreprise. Franceinfo vous explique pourquoi les bénéfices du géant pétrolier et gazier sont très critiqués. 

Parce qu'ils sont liés à la guerre en Ukraine

La hausse des cours du pétrole et du gaz due à la guerre en Ukraine ont permis à Total de réaliser des bénéfices exceptionnels en 2022. Un constat partagé par Patrick Pouyanné, le PDG du groupe : "Les effets de l'invasion de l'Ukraine par la Russie sur les marchés énergétiques se sont poursuivis au deuxième trimestre, les prix du pétrole dépassant les 110 dollars le baril en moyenne sur le trimestre", a-t-il commenté dans un communiqué

Un contexte international qui crée des remous. TotalEnergies est accusé par des responsables politiques de gauche comme de droite de profiter de la guerre pour engranger des "superprofits". Les mots "profiteurs de guerre" avaient même été prononcés par Emmanuel Macron lors d'un sommet du G7 en Allemagne fin juin, sans citer directement l'entreprise. "Stop aux profiteurs de guerre ! Il est urgent de taxer les surprofits des grands groupes", a réagi de son côté le député LFI Alexis Corbière, après l'annonce des résultats de Total, jeudi 28 juillet. 

Parce qu'ils sont dus à l'inflation 

Ces bénéfices massifs passent d'autant plus mal que la hausse des prix de l'énergie frappe les Français au porte-monnaie depuis plusieurs mois. Sur les six premiers mois de l'année, le litre de sans-plomb 95 a ainsi grimpé de plus de 25%. "Le peuple français est en train de souffrir quand Total est en train de se gaver", a tancé la députée Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée, lors de l'examen de la sur le pouvoir d'achat.

Face à ces hausses de prix, Total a tout de même décidé de faire un geste en direction des ménages. Une remise à la pompe de 20 centimes par litre va ainsi être appliquée entre septembre et novembre dans les stations du groupe. La ristourne passera ensuite à 10 centimes pour le reste de l'année, a annoncé le groupe pétrolier vendredi 22 juillet. "Un gain immédiat de pouvoir d'achat", selon la cheffe des députés de la majorité, Aurore Bergé. "Dérisoire", juge la députée LFI Clémence Guetté.

Parce qu'ils ne sont pas taxés

Face à des profits exceptionnels, les oppositions poussent depuis plusieurs semaines pour instaurer une taxe exceptionnelle. Mais le gouvernement y est opposé, préférant une contribution volontaire des entreprises. La proposition de taxation a ainsi été rejetée de peu, samedi 23 juillet, à l'Assemblée, malgré les protestations de la gauche et de l'extrême droite.

"Le gouvernement a refusé une taxation exceptionnelle des profits liés à la hausse de l'énergie", a ainsi regretté la députée socialiste Valérie Rabault. Mathilde Panot, elle, a taclé la position de Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, qui a plaidé pour que les entreprises fassent un geste d'elles mêmes. La députée LFI a donc comparé les profits de Total au montant de la remise à la pompe consentie par l'entreprise :

Interrogée sur l'opportunité de mettre en place une taxe sur les "superprofits", la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé la position du gouvernement"Nous, on demande à ces entreprises de nous aider, d'aider les Français qui aujourd'hui, avec l'inflation, peuvent avoir des difficultés." Elle estime que Total "a apporté une réponse avec une baisse de 20 centimes des prix à la pompe à partir du mois de septembre". 

Parce qu'ils ne profitent pas aux salariés

Des salariés de TotalEnergies ont également choisi cette journée symbolique de la publication de résultats florissants pour se mettre en grève à l'appel de la CGT. Les  grévistes entendent "maintenir la pression" et réclamer des augmentations de salaires tenant compte de l'inflation, selon Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité d'entreprise européen TotalEnergies SE. "Dans la politique de Total, le premier privilégié, c'est l'actionnaire", estime le syndicaliste, interrogé sur RMC. "Malheureusement, les salariés de Total restent les grands perdants. Les 5,8% d'inflation ne sont pas compensés pour les salariés."

Parce qu'ils sont "climaticides"

Les bénéfices record de TotalEnergie ont également ravivé les critiques des organisations écologistes. Ainsi, l'ONG environnementale 350.org a dénoncé un gain "stupéfiant" alors que "le géant pétrolier est responsable de certains des projets de combustibles fossiles les plus destructeurs de la planète", citant notamment un projet d'oléoduc controversé en Afrique de l'Est.

Quelques semaines plus tôt, des manifestants avaient également empêché les actionnaires du groupe d'accéder à leur Assemblée générale. "TotalEnergies investit dans de nombreux projets climaticides, finance les pires régimes et fait des profits record, c’est tellement cynique", avait notamment dénoncé la militante écologiste Camille Etienne.

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