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En direct de l'Europe. La réforme du travail détaché approuvée, sauf pour le transport routier

Le Parlement européen a entériné cette semaine l'accord sur les travailleurs détachés : "A travail égal, salaire égal, sur le même lieu de travail" mais le secteur des transports routiers est exclu de cette directive.

Article rédigé par franceinfo, Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
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Exclus de l'accord sur le travail détaché, les chauffeurs routiers ont manifesté à Strasbourg pour obtenir les mêmes garanties contre le dumping social (ANJA VOGEL / RADIO FRANCE)

Le Parlement européen a entériné cette semaine l'accord sur les travailleurs détachés, conclu début mars après plus de deux ans de tractations. Il exclut le secteur des transports, pour lequel le bras de fer ne fait que commencer. Les chauffeurs routiers exigent la même Europe sociale

Une nouveauté en Europe

C'est à une très large majorité de 456 voix contre 147 et 49 abstentions que les députés européens ont approuvé ce 29 mai la réforme du statut des travailleurs détachés, qui devront désormais obtenir la même rémunération, pour un même emploi, que les salariés du pays de l'Union dans lequel ils sont provisoirement accueillis.

L'adoption de ce principe "à travail égal, salaire égal, sur un même lieu de travail" est un "immense succès" pour l'eurodéputée française du PPE Elisabeth Morin-Chartier, co-rapporteure du texte, qui vient d'y consacrer 27 mois. "Cela représente un grand changement, une nouveauté en Europe. On va tourner la page du dumping social, sortir d'une situation malsaine politiquement, malsaine socialement et malsaine économiquement. Nous allons accorder de nouveaux droits aux travailleurs et permettre aux entreprises de sortir d'une compétition inégale".

La ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, présente à Strasbourg au moment du vote, salue "une vraie victoire pour les travailleurs en Europe. Il n'y a pas de perdants, il n'y a que des gagnants : aujourd'hui le régime des travailleurs détachés est mieux défini, mieux encadré dans le temps, on fait en sorte que la rémunération comprenne par exemple les primes dans les branches. On a un texte opposable partout, et on met fin à cette situation de fraude et de concurrence déloyale éventuelles que l'on pouvait connaître".

Reste à en assurer la bonne application et le contrôle

Les États auront deux ans pour transposer la directive dans leurs législations nationales, après son adoption formelle en Conseil le 21 juin.
"C'est un vrai défi,
reconnaît Elisabeth Morin-Chartier, mais nous l'avons construite avec des points extrêmement précis et clairs, sur la rémunération, les indemnités, le temps de travail. Tout ce qui est clair est contrôlable".

Ainsi les primes de froid, de pénibilité, d'ancienneté, le 13e mois, devront aussi être versés s'ils sont prévus pour le travailleur local. "Et pour faciliter le partage, la circulation des informations entre les pays, nous allons avoir une autorité européenne du travail : c'est la deuxième étape, le deuxième étage de la fusée", souligne l'eurodéputée.

Nathalie Loiseau travaille déjà à sa mise en place avec les autres ministres européens, et assure : "Même les pays à l'est de l'Europe qui n'étaient pas favorables à la réforme sont favorables à la lutte contre la fraude et les abus".

Malheureusement, comme pour tout compromis, la réforme reste incomplète

Elle maintient le principe d'un statut dérogatoire pour les travailleurs détachés, qui continueront à payer leurs charges sociales dans leur pays d'origine. Sous la pression de la France, la durée du détachement a été limitée à 12 mois, éventuellement prolongeable de 6 mois (au-delà les conditions de travail seront soumises aux règles du pays d'accueil dans leur intégralité). Mais le secteur très sensible du transport routier, gros pourvoyeurs de travailleurs détachés, a été exclu de la directive.

Son sort sera scellé dans le cadre d'une législation spécifique, le "paquet mobilité" ; en attendant il bénéficiera de l'ancienne directive. Les négociations viennent de commencer ; elles s'annoncent particulièrement ardues.

"Nous sommes très inquiets; il y a un lobbying intense des employeurs ici au Parlement européen, et avec l'allongement du temps de conduite, nos conditions de travail risquent d'être encore pires qu'avant", ont expliqué les chauffeurs routiers, venus manifester à Strasbourg pour en appeler au soutien des eurodéputés et exiger "au plus vite des règles pour le détachement dans le secteur des transports qui soient les mêmes que pour les autres secteurs".

Elisabeth Morin-Chartier promet de poursuive le combat

Une réunion cruciale a lieu dès ce lundi 4 juin au sein de la commission transports du Parlement européen. Les propositions faites par la Commission et la présidence bulgare ne satisfont pas la France :
"Pour le moment le compte n'y est pas, mais nous sommes déterminés à trouver une solution de sortie vers le haut, le plus vite sera le mieux, souligne Nathalie Loiseau. Mais on ne cèdera pas si nos lignes rouges ne sont pas respectées, et pour le moment nous ne sommes pas en 
situation de dire oui".

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