L'austérité en Grèce : crise sanitaire et humanitaire
Alors que la Grèce s'apprête à retrouver les marchés et la croissance,
le peuple grec est dans une situation sanitaire et sociale
catastrophique. L'eurodéputée verte Michèle Rivasi lance un cri
d'alerte.
"La Grèce est de retour ",
vient d'annoncer quasi triomphalement le premier ministre Antonis Samaras, président
en exercice de l'Union, au lendemain de l'officialisation par les ministres des
Finances de la zone euro d'une nouvelle tranche d'aide de 8,3 milliards d'euros
qui permettra au pays d'honorer ses échéances de mai.
Après six années de
récession sans précédent, après avoir évité de justesse la faillite et une
sortie de la zone euro en 2012, la Grèce s'apprête à revenir, avant l'été, sur
les marchés d'emprunts à long terme dont elle est absente depuis 2010. Et à
renouer avec la croissance : le gouvernement de coalition
conservateurs-socialistes peut même se prévaloir pour la première fois depuis
longtemps d'un excédent budgétaire primaire (hors charge de la dette) ; une
croissance timide de 0,6% est espérée pour 2014.
Le bout du tunnel, pas
pour le peuple
Sous perfusion depuis quatre
ans, Athènes entrevoit le bout du tunnel... financièrement. Mais humainement, le peuple n'a
pas fini de payer l'addition. Car l'essentiel (77% selon une étude d'Attac Autriche
qui n'a pas été démentie par Bruxelles) de l'argent du plan de sauvetage de la
Grèce a bénéficié directement au secteur de la finance. "Sur les
injonctions de la Troïka, le gouvernement grec reconduit le budget de l'armée.
Dans le même temps, il a amputé des deux tiers le budget de la santé ", s'est
indignée Michèle Rivasi dans l'hémicycle du Parlement européen, accusant la
Commission européenne d'être "co-responsable au sein de la Troïka de
mesures délétères sur la santé des populations, alors qu'elle est censée être
garante des traités, et notamment de la Charte des Droits Fondamentaux. A ce
titre, elle était tenue de garantir à chacun l'accès aux soins, elle ne l'a pas
fait, bien au contraire ! "
Catastrophe sanitaire et
humanitaire
L'eurodéputée du groupe Verts
a été bouleversée par son récent déplacement à Athènes. "Je ne m'attendais
pas à une telle souffrance du peuple grec ". Elle rappelle la réduction
des salaires de 40 à 50%, décrit les soupes populaires organisées midi et soir
sur les places publiques, les enfants qui s'évanouissent à l'école parce que
leurs parents ne peuvent plus leur payer à manger, le manque de médicaments et
notamment d'antibiotiques, l'augmentation de la mortalité, l'explosion du sida,
de la toxicomanie, de la prostitution.
"La santé de base n'est plus
assurée, plus de 30% de la population n'a plus accès à la sécurité sociale ",
s'indigne Michèle Rivasi, pour qui la situation serait encore pire sans la
solidarité et la mobilisation d'associations comme Médecins du monde .
Les effets de ce
traumatisme se feront durablement sentir, bien au-delà de l'assainissement
financier.
"Guerre entre
pauvres"
Sans compter que cette
précarisation conduit à "un refus
du plus pauvre que soi, une guerre entre pauvres " regrette l'eurodéputée,
qui s'inquiète du rejet des migrants en situation irrégulière, parqués dans des
camps de rétention "pires que des prisons ", de la montée de l'extrême droite.
Mais à l'approche des
élections européennes, la gauche grecque opposée aux plans d'aide
internationaux et aux mesures d'austérité, accroît elle aussi son avance dans
les sondages. La démonstration de force des syndicats européens, notamment grecs, ce 4 avril à Bruxelles, en
est l'illustration. Selon Bernadette Ségol, secrétaire générale de la
Confédération européenne des syndicats, "plus de 52.000 personnes de 21
pays" ont défilé contre l'austérité et pour réclamer aux dirigeants de l'Union
une " autre voie ", plus sociale pour l'Europe.
6 millions d'emplois
supprimés en Europe
Selon une étude de l'influent
cercle de recherches Brügel, présentée aux ministres des Finances de l'Union
réunis à Athènes, près de la place Syntagma, lieu de nombreuses manifestations anti-austérité,
la crise financière et la réduction des dépenses sociales ont coûté six
millions d'emplois en Europe depuis 2008 et plongé plusieurs millions de
personnes dans la pauvreté.
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