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Au Mexique, la maison du baron de la drogue "El Chapo" proposée à la loterie

Parmi les prix de cette loterie baptisée "narco-loterie" par la presse, des dizaines d’immeubles confisqués par la justice mexicaine à des narcotrafiquants ou à d’anciens fonctionnaires corrompus.

Article rédigé par Emmanuelle Steels
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Capture d'écran de la maison d'"El Chapo" à Culiacàn, au Mexique, filmée en 2014 par un reporter de CNN. (CNN)

En prélude à la fête nationale du Mexique le 16 septembre, le gouvernement organise mercredi une loterie exceptionnelle : la maison du baron de la drogue Joaquín Guzmán, plus connu sous le nom d'"El Chapo" figure parmi les lots. En apparence parfaitement banale, cette demeure située à Culiacán, la capitale de l’État du Sinaloa, et dont la valeur ne dépasse pas 155 000 euros, n’est pas seulement une maison blanche avec deux chambres. Elle comporte un détail extravagant : un tunnel, qui part de la salle de bain et qui, le 16 février 2014, avait permis à Joaquin Guzmán de s’enfuir à moitié nu alors que les forces de sécurité mexicaines enfonçaient la porte pour le capturer. 

Ce jour-là, le narcotrafiquant le plus puissant du Mexique, en cavale depuis 2001, s'échappe à nouveau... avant d’être arrêté quelques jours plus tard dans une station balnéaire proche.

Un journaliste de CNN a pu visiter la maison en 2014 avant que le tunnel ne soit scellé :

Pour 250 pesos, 10 euros seulement, prix du billet de loterie, cette maison peut être gagnée mercredi. Mais sans son tunnel, dont l’entrée a été recouverte d’une chape de béton par les autorités mexicaines.

Comment expliquer que des biens confisqués par la justice mexicaine atterrissent dans une loterie organisée à l’occasion de la fête nationale ? La réponse est presque décevante : parce que le gouvernement n’a pas réussi à les écouler lors des traditionnelles ventes aux enchères. C’est une pratique en vigueur depuis très longtemps au Mexique : les biens saisis par la justice, qu’il s’agisse de voitures de luxe, de jets privés, de bateaux, de bijoux ou de narco-palaces, sont vendus aux enchères plusieurs fois par an. 

Le gros lot : la maison d'un autre baron de la drogue, Amado Carrillo Fuentes

Autrefois, ces opérations se déroulaient dans une relative discrétion mais le président Andrés Manuel López Obrador a décidé de les médiatiser et d’en faire un symbole de la lutte contre la corruption. Il a rebaptisé l’organisme officiel chargé des enchères "l’Institut pour la restitutuion des biens volés au peuple", un nom tonitruant qui cache en réalité quelques fiascos, comme la vente ratée de l’avion présidentiel l’an dernier.  

Parmi les autres lots de cette "narco-loterie", comme l’ont baptisée les médias, une loge de 20 places dans le stade Aztèque de Mexico, pour assister aux matchs du Club América jusqu’en 2065. Mais le gros lot est sans aucun doute la maison ayant appartenu à Amado Carrillo Fuentes, un baron de la drogue surnommé "le Seigneur des Cieux" parce qu’il a longtemps régné sur le trafic de drogue vers les États-Unis grâce à sa flotte d’avions. Cette immense maison située dans un quartier sud de Mexico a une valeur bien supérieure à celle d’"El Chapo", plus de trois millions d’euros, et elle est beaucoup plus convoitée par les participants à la loterie. C’est aussi lié au fait que peu de Mexicains aspirent à remporter la maison d’"El Chapo", par crainte de représailles de la part des membres de son cartel qui lui sont restés fidèles.

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