En direct du monde. En Egypte, un économiste placé en détention avant la publication d'un livre sur les dépenses de l’État
Abdel Khaled Farouk, un économiste reconnu en Égypte, a été arrêté et placé en detention. Le pouvoir l'accuse de propager des fausses nouvelles.
En Égypte - où les voix dissidentes sont régulièrement étouffées - un économiste reconnu, Abdel Khaled Farouk, a été arrêté dimanche 21 octobre à son domicile au Caire, il est depuis maintenu en détention. Son éditeur lui aussi est privé de liberté depuis dix jours. Ils sont accusés d’avoir propagé des fausses nouvelles. L’économiste s’apprêtait à sortir un livre dans lequel les choix économiques du gouvernement égyptien sont largement remis en cause.
Un économiste reconnu
Abdel Khaled Farouk travaille depuis les années 80 pour les centres de recherche les plus connus du pays, et il a déjà publié plus de 20 livres. Cet homme âgé de 62 ans a donc été arrêté dimanche avant même la publication de son dernier ouvrage, car il est "susceptible de perturber la sécurité publique et de semer la terreur parmi les citoyens". Une accusation classique lorsque le régime égyptien souhaite faire taire quelqu'un.
C’est la sécurité nationale, une agence de sécurité égyptienne aussi considérée comme une sorte de police politique, qui a monté un dossier contre le chercheur, intimidé à plusieurs reprises avant son arrestation. Par exemple, au début du mois, 200 exemplaires de son livre tout juste imprimé ont été saisis. Le 14 octobre, c’est l’éditeur de l’ouvrage qui est arrêté et mis en détention. Une situation qui choque l’avocat des deux hommes et défenseur des droits humains, Gamal Eid. "Quand il s'agit des droits humains, de la démocratie, de la liberté d’expression, plus rien ne me surprend dit-il, mais là je suis choqué, parce que cet homme parle seulement de chiffres, c’est un économiste. Nous vivons réellement un retour en arrière, nous vivons des temps sombres."
Son livre critique les projets du gouvernement
Dans son essai L’Égypte est-elle vraiment un pays pauvre ?, l'auteur évoque 28 projets étatiques et fait le bilan des dépenses, jugées souvent inutiles ou démesurées. L’exemple le plus marquant est celui de la nouvelle capitale, ce projet fou soutenu par le président Sissi depuis deux ans : la construction d’une ville gigantesque dans le désert pour un coût estimé de 45 milliards de dollars. Il devrait y avoir des hôtels de luxe par dizaines, des quartiers résidentiels huppés, un aéroport, et même la plus haute tour du monde qui devrait faire près de 1 000 mètres de hauteur, dans un pays où 62% de la population vit avec moins de 5 dollars par jour.
L’auteur évoque aussi les 19 prisons construites dans le pays depuis 2011, et il s'interroge sur le coût des nouvelles infrastructures et leur réelle utilité pour les citoyens égyptiens. Ça n’a pas plu du tout à la police. D’après l’un des avocats qui a pu consulter le rapport de la Sécurité nationale, l’ouvrage contient "des expressions, des titres, des informations qui se moquent de l’État, et de la façon dont le gouvernement gère ses ressources humaines".
En Égypte, toute voix dissidente est persécutée et opprimée par les forces de sécurité. 31 journalistes sont actuellement en prison et des dizaines de milliers de personnes sont détenues pour des raisons politiques.
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