En Égypte, les habitants de maisons-bateaux sur le Nil expulsés pour satisfaire les ambitions du président Sissi
Le président Sissi a décidé de transformer Le Caire, la capitale égyptienne. Et pour y parvenir, il n’hésite à détruire un patrimoine parfois centenaire.
La semaine dernière, le gouvernement égyptien a donné quelques jours aux habitants d’une trentaine de maisons flottantes du quartier d’Imbaba au Caire pour quitter le Nil. Et dès le mardi 28 juin, les tractopelles commençaient déjà leur travail de destruction. D’autres maisons étaient déplacées à quelques centaines de mètres de là avant d’être mises aux enchères. Les dernières expulsions sont prévues pour le 4 juillet.
Un choc pour ces habitants brutalement expulsés. Certains n’ont plus d’endroit où aller. C’est le cas de madame Ikhlas, comme on l’appelle dans le quartier, une dame de 88 ans qui avait acheté une maison-bateau il y a des décennies : "On nous jette dans la rue ! Où je vais moi ? On me jette sur le trottoir dans la rue ? C’est ma maison ! C’est ma vie !"
"Si je sors d’ici, je meurs !"
Une (presque) nonagénaire expulséeà franceinfo
Et au-delà des cas particuliers, c’est également une partie du patrimoine du Caire qui va disparaître. Certaines de ces maisons sont centenaires et on peut même les voir dans certains classiques du cinéma égyptien. Elles sont également présentes dans l’œuvre de Naguib Mahfouz, le prix Nobel de littérature égyptien.
De la place pour une esplanade commerciale
Pourquoi ces destructions en série ? Parce que le président Sissi a décidé il y a quelques années de transformer Le Caire. Partout on voit pousser des ponts, on voit des quartiers historiques détruits, des personnes expulsées parfois relogées à des dizaines de kilomètres de là. À Imbaba, il est prévu de transformer la corniche, le long du Nil, en une vaste esplanade commerciale. Il existe déjà plusieurs bateaux où l’on peut boire un café, organiser des mariages ou toute autre festivité. C’est donc un projet purement commercial qui s’annonce.
En moins de dix ans, les taxes d’occupation ont été multipliées par vingt, d’autres ont été créées. Désormais, l’État réclame plusieurs dizaines de milliers d’euros aux propriétaires de ces maisons-bateaux et refuse de délivrer des permis d’occupation à ces habitants. Plusieurs fois contactées, les autorités n’ont pas souhaité répondre aux questions de franceinfo. En revanche, afin d’avoir gain de cause auprès des Égyptiens, les médias, presque tous contrôlés par l’État, relaient la parole officielle. Celle-ci dénonce ces maisons bateau de lieux de perditions prostitution ou encore de repères de Frères musulmans, considérée en Égypte comme organisation terroriste. Mais l’affaire commence à faire du bruit, suffisamment peut-être pour qu’une fois, les personnes expulsées aient enfin gain de cause.
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