Satellites espions et réseau de télécommunication : comment la Corée du Nord veut devenir "une puissance spatiale"
Une tentative de mise en orbite d'un satellite espion nord-coréen a réveillé les Sud-Coréens en sursaut mercredi 31 mai. Vers 6h30 du matin, les sirènes ont retenti et des messages d'alerte demandaient à la population de se préparer à évacuer. Après une vingtaine de minutes de confusion, les autorités ont expliqué qu'il s'agissait d'une erreur. Côté nord-coréen, le lancement a échoué et la fusée a fini sa course dans la mer entre la Chine et la Corée.
Si la réaction sud-coréenne était disproportionnée, elle s'explique par le fait que le lancement d'une fusée utilise une technologie similaire à celle qui permet de tirer un missile balistique.
La plupart des missiles nord-coréens à longue portée sont composés de deux ou trois étages qui doivent se séparer en vol comme une fusée. Cette technologie a été utilisée pour le lancement de mercredi. "Ils ont essayé de tirer leur premier satellite espion, explique Jonathan McDowell, astrophysicien au Harvard-Smithsonian Center, et ils l'ont fait en lançant une toute nouvelle fusée spatiale qui semble dérivée de leur série de missiles Hwasong. Cela reflète vraiment ce que les acteurs de la guerre froide faisaient à la fin des années 1950. Ils avaient leur missile à longue portée, le R7 pour l'Union soviétique, et l'Atlas pour les États-Unis, mais ils avaient en parallèle des programmes spatiaux qui utilisaient la même technologie. Et maintenant que les Nord-coréens sont à ce niveau de technologie, cela semble logique qu'ils souhaitent faire la même chose."
Un programme spatial nord-coréen balbutiant
Les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU interdisent à la Corée du Nord toute utilisation de la technologie balistique, que ce soit pour tirer un missile ou une fusée. Mais alors que le régime est particulièrement opaque sur activités militaires, il a fait preuve d'une relative transparence avec son programme spatial :
"Ils communiquent avec l'Organisation maritime internationale pour lui demander de dégager des zones de l'océan car des débris de fusée vont tomber du ciel. Ils publient des communiqués de presse plus détaillés, admettent même un échec, ce qu'ils étaient réticents à faire pour les précédents lancements. Ils essaient de faire comprendre qu'il s'agit d'un programme spatial civil, même s'ils lancent un satellite militaire."
Jonathan McDowell, astrophysicien au Harvard-Smithsonian Centerà franceinfo
Parmi les objectifs du programme spatial nord-coréen, il y a le satellite espion qui est une des priorités de Kim Jong-un. Théoriquement, cela doit permettre d'obtenir davantage d'informations sur les armées sud-coréenne et américaine. La Corée du Nord espère aussi placer un satellite en orbite géostationnaire pour avoir son propre réseau de télécommunication.
Mais comme le rappelle Martyn Willliams, chercheur au Stimson Center, le programme nord-coréen reste balbutiant : "La Corée du Nord est évidemment une nouvelle puissance spatiale. Elle est parvenue à mettre deux satellites en orbite mais ils ne fonctionnaient pas et nous avons constaté un nouvel échec la semaine dernière. Si la Corée du Nord est en quelque sorte en retard par rapport aux pays qui peuvent effectuer des lancements dans l'espace, elle reste en avance sur les autres pays car la plupart n'ont pas cette capacité." Le pays a construit récemment de nouvelles installations dédiées à son programme spatial, signe que l'activité nord-coréenne dans l'espace n'est pas près de s'arrêter.
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