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En route vers Paris 2024. L'intelligence de notre corps

Cécilia Berder, membre de l’équipe de France d’escrime, est en pleine sélection pour les JO de Tokyo en 2020. Elle nous fait vivre de l’intérieur aujourd'hui, les séances de kiné des sportifs de haut niveau.

Radio France
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La salle kiné à l'INSEP pour remettre le corps des atlètes en état de marche (CECILIA BERDER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le jour où Tony Parker a mis un terme à sa carrière de basketteur, il a tout de suite reconnu dans les médias être très heureux de se réveiller le matin, et de ne plus avoir mal au corps.

On imagine facilement le corps des athlètes tout en muscle, en puissance, en force, et capable de soulever des montagnes. Pourtant, lorsque j'échange avec des collègues sportifs, escrimeurs ou non, une très grande majorité, si ce n'est l'unanimité, se réveille quotidiennement avec des douleurs, ou termine la semaine avec un corps fourbu.

Rien de grave ou d'étonnant. Dans une pratique poussée à très haute intensité, le corps réagit de cette manière pour nous protéger et nous indiquer la présence de nos limites.

Ne pas ajouter de la souffrance à la douleur

Il y a dans un premier temps une phase d'acceptation de ses limites. Apprendre à accepter des douleurs, si ce ne sont que des courbatures, c'est assez facile. Si la blessure apparaît, il y a un vrai travail de préparation mentale pour ne pas ajouter de la souffrance à la douleur, pour accepter cet état, et comprendre que cette limite n'est que temporaire.

Aujourd'hui, j'ai une tendinite chronique du tendon d'Achille gauche, deux ligaments en moins à la cheville droite, "une hanche d'une personne de 70 ans" pour reprendre les propos d'un médecin. J'ai subi une opération du bras droit, liée à un syndrome des loges (gonflement excessif d'un muscle trop sollicité, qui se retrouve à l'étroit dans sa "loge" inextensible). Une côte un peu trop longue, au niveau de l'épaule, et un pincement cervical, peuvent parfois avoir tendance à me créer quelques paralysies au niveau de la main.

Malgré cette situation, j'ai appris avec patience, recherche et écoute, à "faire équipe avec mon corps". Comme expliqué plus haut, je cherche à ne pas rajouter de la souffrance à ces gênes quotidiennes. Si ma hanche ne veut plus se lever, cela veut sûrement dire que j'ai forcé et trop répété certaines positions. Ma mission est d'apporter de la légèreté, une plus grande souplesse, de la respiration ou une nouvelle technique gestuelle à cette zone de tension.

Cela passe par des routines d'échauffement, des activités physiques différentes (danse, piscine, yoga), de la visualisation (l'esprit ne fait pas la différence entre un exercice réalisé et un exercice pensé) ou de la méditation.

L'intelligence du corps me surprend tous les jours

J'ai aussi l'occasion d'échanger avec de nombreux sportifs au sein de l'INSEP sur leurs douleurs du quotidien. Un judoka m'a récemment avoué ne plus pouvoir faire certaines prises à cause d'une hanche blessée. Il a fait de cette situation une force car elle lui a permis de découvrir de nouvelles techniques de prises et de feintes.

Apprendre à faire équipe avec sa carcasse en écoutant ses messages permet de passer des caps incroyables dans la connaissance de soi. Si on comprend les messages du corps, le plaisir de la pratique sportive s'en trouve décuplé. Chacun d'entre nous devra comprendre les besoins uniques de son corps, lui donner ce dont il a besoin car c'est bien la seule entité avec qui on fait équipe à temps plein, nuit et jour. À nous de prendre conscience de sa sagesse, de sa magie et de son intelligence.

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