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Guillaume Peltier : le slogan pour seule rhétorique

Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Guillaume Peltier, le 27 janvier 2022. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Guillaume Peltier, ancien vice-président des Républicains, a rallié avec fracas Eric Zemmour début janvier. Si consciencieux dans son rôle de porte-parole soit-il, a-t-il cependant besoin d'autant de temps d’antenne ? Nous pourrions nous poser la question, à revoir par exemple son intervention mardi matin au micro d’Apolline de Malherbe, sur BFMTV.

De nombreux éléments de langage

En tout, vingt minutes d’interviews durant lesquelles il a détaillé les enjeux essentiels auxquels la France est confrontée. Avec, parfois, des impressions de déjà vu, notamment lorsqu'il évoque Eric Zemmour, "ce Juif berbère venu d'Algérie", une formule déjà entendue par ailleurs dans une autre de ses interventions. Il s'agit là d'une maladresse bien sûr, mais qui n’est pas si curieuse que cela. Elle révèle simplement que Guillaume Peltier était venu avec des successions de phrases fossilisées et préparées à l’avance : c’est ce que l’on appelle des éléments de langage.

Rien de très étonnant : la pratique est devenue courante aujourd’hui. Avec une légère nuance toutefois : chez Guillaume Peltier, les éléments de langages ne se limitent pas à une seule formule. Pendant toute l’interview, Guillaume Peltier a ainsi répété en boucle les quatre même mots : "grand remplacement", "sauver la France", "immigration", "islam politique". Quatre mots ! Alors, certes, il ne cesse de dire qu’il y a des propositions concrètes, mais sans jamais les détailler, et à aucun moment il ne justifie ni ne développe : sa rhétorique n’est rien d’autre qu’une succession de slogans.

La stratégie du martèlement

Guillaume Peltier a par ailleurs aussi beaucoup parlé de la "France rurale", répétant l'expression à l'envi tout au long de son intervention. Il s'agit là d'une véritable stratégie rhétorique : celle du martèlement. Guillaume Peltier utilise en permanence les mêmes mots, ce qui entraîne deux conséquences. D’une part : un effet de mémorisations. Qu’on le veuille ou non, au sortir de l’interview, on ne peut que se souvenir des éléments centraux. D’autre part, et plus profondément, un effet de simple exposition. C’est quelque chose qui a été bien montré par la recherche en psychologie cognitive : plus nous sommes exposés à une même idée, plus elle nous paraît familière, et plus nous sommes susceptibles, in fine, de l’accepter.

Il s'agit probablement là d'une stratégie consciente. Car il y a un dernier élément que Guillaume Peltier n’a cessé de répéter, une prédiction répétée trois fois avec précision : "Au soir du premier tour, le 10 avril, Eric Zemmour sera qualifié pour le second tour face à Emmanuel Macron."

Guillaume Peltier tente d'activer une prophétie auto-réalisatrice

Aujourd’hui, cette hypothèse n’est pas la plus probable. Mais elle est présentée ici comme indubitable. Ce faisant, elle nous devient de plus en plus familière et donc crédible. Or, on sait qu’une partie des électrices et des électeurs votent, de manière stratégique, pour celui ou celle qui leur paraît le ou la mieux placé pour l’emporter : ce que tente d’activer, ici, Guillaume Peltier, c’est ce que l’on appelle une prophétie auto-réalisatrice. Restons donc prudents lorsque nous voyons un orateur se répéter. Ce n’est pas forcément qu’il a peu de choses à dire. Mais peut-être, plutôt, qu’il a beaucoup à imposer !

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