Jean Castex, le Premier ministre qui ne respectait pas les gestes barrières
Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.
Jean Castex, le Premier Ministre, est dans une situation délicate. Il a été testé positif au Covid-19 lundi 22 novembre, ce qui n’a pas manqué de faire ressurgir une vidéo, tournée quelques jours plus tôt, dans laquelle on le voit très entouré, sans aucun respect des gestes barrières.
La vidéo dure quelques secondes. Elle aurait pu être anodine. Mardi 16 novembre, à l’occasion du Congrès de l’Association des Maires de France, Gérald Darmanin avait invité les élus des Hauts de France au ministère de l’Intérieur. Une réception en intérieur, sans masques, où l’on distingue le Premier Ministre serrer les mains d’interlocuteurs situés à quelques centimètres de lui. Nous connaissons la suite, six jours plus tard, il sera testé positif au Covid. Alors, certes, entre temps, il avait été cas contact de sa fille de 11 ans.
Les critiques n’ont pas manqué de pleuvoir, néanmoins, au point que Bruno Le Maire a dû réagir mercredi 24 novembre matin. Le ministre de l’Économie était l’invité de franceinfo. "Nous sommes tous faillibles, l'un des plaisirs d'un élu c'est d'aller à la rencontre de ses compatriotes. Nous sommes tous faillibles. Je considère que quand on est un responsable politique on n'est évidemment pas au dessus des lois. Reconnaissons simplement que nous sommes tous faillibles, disons le avec humilité et essayons de nous améliorer."
"Nous sommes tous faillibles et la politique est un métier du contact humain", déclare Bruno Le Maire, ministre de l'Économie à propos de la vidéo de Jean Castex avec des élus locaux sans masque ni gestes barrières
— franceinfo (@franceinfo) November 24, 2021
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Une figure rhétorique : le truisme
"Nous sommes tous faillibles", répété trois fois, voilà donc l’élément de langage utilisé par le gouvernement pour éteindre la polémique. On peut tous avoir un moment d’inattention, c’est vrai. C’est même un peu trop vrai ! Personne n’est parfait, on commet tous des erreurs, tout le monde est faillible, ce sont des phrases qui par définition sont exactes. En rhétorique, cela porte un nom, on appelle ça un truisme. C’est à dire, une vérité tellement évidente, qu’elle n’a même pas besoin d’être argumentée. Or, le problème de ce genre de phrases, c’est que, étant toujours vraies, elles n’apportent jamais rien au débat. Sinon, à ce compte-là, tout doit être excusé. L’affaire Cahuzac, l’affaire Benalla, les affaires Balkany. Nous sommes tous faillibles.
Quand vous y réfléchissez, la question n’est donc pas de savoir si un responsable peut commettre une erreur, par définition oui. Mais bien de déterminer si nous devons lui en tenir rigueur. Et cette question, le ministre de l’Économie se garde bien d’y apporter une réponse.
Dans ce cas, devons-nous lui en tenir rigueur ? Tout le problème provient du contexte. Le 9 novembre dernier (avant, donc, le congrès des maires), le Président de la République prenait la parole pour alerter sur la reprise épidémique. Il disait, notamment, ceci. "L'application des gestes barrières qui protége autant contre le Covid-19 que contre les maladies contagieuses de l'hiver doit aussi faire l'objet d'une attention accrue. Nous avions tous un peu relaché nos efforts et c'est bien normal, il faut donc les reprendre."
"Il faut reprendre nos efforts sur les gestes barrières". Oui, mais pourquoi le ferions-nous si le chef du gouvernement, lui-même, s’y soustrait ? C’est cette question que certains posent depuis mardi 23 novembre. En cette matière, l’exemplarité du gouvernement n’est donc pas qu’un simple enjeu d’éthique. Elle conditionne, également, l’efficacité de sa rhétorique et, en définitive, le succès ou l’échec de sa politique sanitaire. Faut-il, alors, en tenir rigueur à Jean Castex ? La réponse bien sûr nous appartient, à chacune et chacun. La question, en revanche, ne semble pas pouvoir être balayée d’un revers de la main.
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