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Philippe Poutou : l'art de l'étiquette

Le candidat du NPA à l'élection présidentielle était l’invité de Questions Politiques, dimanche 20 mars, sur franceinfo et France Inter. Il a une nouvelle fois fait preuve de sa capacité à dire beaucoup de choses… en peu de mots.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le candidat du NPA Philippe Poutou à Montrouge (Hauts-de-Seine) le 15 mars 2022 (LP / ARNAUD JOURNOIS / MAXPPP)

Parler avec peu de mots, c’était une nécessité, pour Philippe Poutou : en raison des règles de l’équité, et non de l’égalité, qui s’appliquent encore à trois semaines du premier tour, le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste ne disposait que de six petites minutes pour défendre ses propositions – au même titre que d’autres, Fabien Roussel ou Nicolas Dupont-Aignan notamment. 

Or, à la différence de Fabien Roussel, la parole de Philippe Poutou était relativement rare dans les médias jusqu’à récemment. Comment faire, alors, pour présenter sa candidature en si peu de temps ? Philippe Poutou a trouvé une stratégie. Il utilise un type de mots bien particuliers : "Une gauche radicale, anticapitaliste, féministe, antiraciste. Le renversement du système capitaliste. On est anticapitalistes, on est pour l'expropriation. Défendre une perspective, une riposte unitaire antifasciste. On a une campagne antiraciste, internationaliste, anticolonialiste, anticapitaliste."

Brochette de concepts

Pour les militants du NPA, ces mots ont un sens très précis. Ils recouvrent un ensemble de propositions, de pratiques ou de luttes qu’ils portent depuis des années. Pour les électeurs de gauche en général, a contrario, le doute est davantage permis.

Bien sûr, l’antiracisme et le féminisme, tout le monde voit à peu près ce que cela recouvre. En revanche, pour l’internationalisme et l’anticolonialisme, cela ne me semble pas aller de soi. Il n’est même pas certain, d’ailleurs, que ces termes soient connotés totalement positivement. Enfin, pour les électeurs de droite, ces mots constituent de véritables repoussoirs, régulièrement brocardés en une de la presse conservatrice. Pour Philippe Poutou, il s’agit donc d’un outil rhétorique fort commode : en une brochette de concepts, il se coupe certes d’une partie de l’électorat, mais signale à une autre qu’il pourrait être son candidat.

Philippe Poutou dit également qui sont ses adversaires. Et là aussi, tout tient en quelques mots : "La campagne est dominée par les idées réactionnaires. Les aspects antidémocratiques de la campagne. Une société de plus en plus antidémocratique, un danger fasciste, mysogine, LGBTphobe, raciste. On est dans une ambiance très dure, on essaie de faire éclater tout ça."

Stratégie de l'épouvantail

Là aussi, nous sommes face à des concepts qui peuvent avoir un contenu précis, qui ont été bien travaillés par l’histoire, la sociologie et la science politique. Mais Philippe Poutou se contente de les jeter en l’air, pour appeler toutes celles et tous ceux qui les ont en horreur à le rejoindre : c’est une forme de ce que l’on appelle "la stratégie de l’épouvantail".

Faute de temps pour développer ses idées, il manie surtout des étiquettes, qu’il plaque autant sur lui-même que sur ses adversaires. Ce n’est pas sans une certaine efficacité : avec une telle intervention, il est possible que Philippe Poutou parvienne à mobiliser les convaincus. En revanche, il est beaucoup plus improbable qu’il parvienne à convaincre ceux qui ne l’était pas déjà. C’est la limite de l’étiquetage. Mais pour la dépasser, il va falloir attendre que les temps de parole passent de l’équité… à l’égalité.

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