Yannick Jadot : faire l’union… mais sans concessions
Clément Viktorovitch se penche sur les négociations en cours au sein de la gauche. Pour former une grande coalition aux législatives avec La France insoumise, tous les regards sont dirigés vers les écologistes. Il y a pourtant encore beaucoup de chemin à parcourir, pour parvenir à un accord.
L’élection passée, place désormais aux négociations. Avec 4,6% des suffrages, les écologistes sont arrivés très loin derrière les 22% de Jean-Luc Mélenchon. Le rapport de force s’annonce donc inconfortable pour eux, et c’est précisément ce moment qu’a choisi Yannick Jadot, leur candidat, pour donner sa première interview depuis son élimination au premier tour.
Dans la matinée du mardi 26 avril, chez nos confrères de France Inter, il convenait de la nécessité d’une coalition, mais selon des termes bien particuliers : "Je soutiens cette perspective de coalition qui doit être une coalition très ouverte. Je suis pour qu'évidemment il y ait la France insoumise. Le résultat du vote du 10 avril les oblige, de ce point de vue-là, qu'il y ait aussi toutes les forces politiques de gauche. Je prends acte du premier tour, donc il faut évidemment que la France insoumise soit dedans."
Sur le papier, Yannick Jadot se contente d’appeler à l’union. Mais entre les lignes, il est clair : cette coalition ne doit pas se faire "autour" de Jean-Luc Mélenchon, comme l’exigent ses partisans, mais "avec lui". La France insoumise doit "évidemment" être présente, mais au même titre que "toutes les forces politiques de gauche". Sous couvert de l’ouverture, Yannick Jadot conteste ici vigoureusement le leadership revendiqué par Jean-Luc Mélenchon.
L'argument de l'écologie impossible sans écologiste
Pour étayer sa position, Yannick Jadot fait valoir plusieurs arguments. Il y a assurément un vote utile qui a joué en faveur de Jean-Luc Mélenchon, de sorte que le poids des écologistes au sein de l’électorat ne saurait être ramené au seul résultat de Yannick Jadot dans les urnes. D’ailleurs, au niveau local et européen, les succès obtenus par Europe Ecologie-Les Verts dépassent grandement ceux de LFI. Yannick Jadot ne manque pas de le rappeler bien sûr. Mais il va un cran plus loin : "Il nous faut un groupe écologiste puissant à l'Assemblée nationale si nous voulons que la voix écologique soit portée. Ce que dit la réalité du terrain, c'est qu'il n'y a pas d'écologie sans écologistes. S'il n'y a pas d'écologistes à l'Assemblée nationale, il n'y aura malheureusement pas d'écologie dans ce quinquennat."
"Sans écologistes, pas d’écologie" : c’est ce que l’on appelle une polyptote, une figure qui consiste à utiliser deux mots issus de la même racine pour créer une impression de cohérence et, même, d’évidence. Du point de vue rhétorique, c’est assez efficace. Sur le plan politique en revanche, c’est totalement fallacieux. Voilà bien longtemps, en effet, que l’enjeu écologique n’est plus défendu seulement par les écologistes, loin s’en faut. L’écologie était l’une des lignes directrices du programme de Jean-Luc Mélenchon, et elle a même constitué, par sincérité ou par calcul, le principal thème développé par Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours. La présence d’un groupe EELV à l’Assemblée nationale n’est donc une condition ni nécessaire ni suffisante à la poursuite d’une politique écologique durant le quinquennat.
Un méa culpa bien particulier
Yannick Jadot me semble donc jouer sur les peurs. De plus, durant cette interview, il a reconnu posséder une "part de responsabilité" dans l’échec de sa candidature : "J'ai engagé cette campagne en disant qu'il faut apaiser la société. Ce que je constate, c'est que ça n'a pas été le bon pari électoral. Pour faire des voix, probablement, il fallait plus, j'allais dire, amplifier les colères, les instrumentaliser, trouver des boucs émissaires que de dire je veux lever les doutes sur la capacité de l'écologie à gouverner. Je veux crédibiliser le chemin. Je pense qu'on n'a jamais eu une telle campagne ou la question de la crédibilité a été aussi mise de côté."
Il n’a pas fait le bon pari électoral : c’est effectivement une forme de mea culpa. Mais un mea culpa bien particulier. Qu’aurait-il fallu faire, pour convaincre davantage d’électeurs ? Amplifier les colères, les instrumentaliser trouver des boucs émissaires. Il fait évidemment référence à Jean-Luc Mélenchon, qu’il ramène à des termes explicitement péjoratifs. Par contraste, et contrairement à Jean-Luc Mélenchon, lui aurait cherché à être "crédible", et ce serait son plus grand défaut.
Alors, là, on est au niveau des personnes qui disent, dans un entretien d’embauche, "mon plus grand défaut, c’est mon perfectionnisme". C’est évidemment une manière, sous couvert de faire son autocritique, de valoriser sa propre personne, tout en dévalorisant ses adversaire.
Bref, Yannick Jadot parle de coalition, tout en opposant une fin de non-recevoir aux conditions posées, légitimement ou non, par La France insoumise. Il reconnaît le résultat de Jean-Luc Mélenchon, tout en critiquant les moyens qu’il a déployés pour l’obtenir. Manifestement, pour l’union des gauches, il reste encore du chemin !
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