Argentine : un duel inédit pour le second tour de la présidentielle

Le match présidentiel en Argentine oppose ce dimanche l’actuel ministre de l’Économie, Sergio Massa, à Javier Milei, candidat antisystème et populiste. Regards croisés de deux Français de Buenos Aires sur cette invraisemblable affiche.
Article rédigé par Emmanuel Langlois
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
"Aujourd'hui, Massa ou Milei" : la une d'un quotidien argentin à Buenos Aires le 19 novembre 2023 (LUIS ROBAYO / AFP)

C’est un pays au bord de l’explosion sociale qui se rend aux urnes dimanche. Avec une inflation qui dépasse désormais les 140% sur un an, 40% de la population d’Argentine vit sous le seuil de pauvreté. Pour s'en sortir, les habitants multiplient les crédits et le surendettement explose, comme en témoigne Héloïse Velay.

Une église de la province de Corrientes, dans le nord de l'Argentine. (Jérôme Guillot)

Cette Française vit depuis plusieurs années en Argentine, où elle a créé Buenos Aires Connect, un site internet dédié à l’art de vivre ; elle travaille aussi dans l’immobilier. "Tout augmente en permanence, raconte-t-elle, et c’est assez difficile de connaître le prix des choses. Très souvent, ce n’est pas possible d’acheter parce que le vendeur ne sait pas combien cela coûte. Je dois par exemple réparer un parquet, mais le propriétaire n’est pas en mesure d’acheter la colle du parquet. Tout est donc ralenti à cause de la difficulté de pouvoir travailler." 

Vue de la Payunia, une zone volcanique sur le contrefort des Andes à Malargüe, à l'ouest dans la province Mendoza. C’est un pays au bord de l’explosion sociale qui se rend aux urnes ce dimanche. (Jérôme Guillot)

Le président argentin sortant Alberto Fernandez ne se représente pas à cause de cette crise qui s’éternise. C’est son ministre de l’Économie qui défend les couleurs du gouvernement. Retraité de l’Éducation nationale, Jérôme Guillot vit depuis des années à Buenos Aires, la capitale. Selon lui, malgré un bilan catastrophique, Sergio Massa a toutes les chances de l’emporter ce soir : "L'homme est 'responsable' de la situation économique du pays, qui était déjà dramatique l’année dernière, et rien ne s’est arrangé entre-temps. Mais comme il est l’unique recours et qu’il a l’appareil du parti péroniste avec lui, il a de fortes probabilités d’être élu."

Héloïse Velay en Argentine : "Tout augmente en permanence, témoigne-t-elle, et c’est assez difficile de connaître le prix des choses." (Camille Margueritte)

Un système politique en déconfiture

Face à lui, un trublion que personne n’attendait. Javier Milei, aussi excentrique que populiste. Chantre d’une droite ultralibérale sur le plan économique et ultraconservatrice sur les questions de société, à l’image d’un Jair Bolsonaro au Brésil, il est aussi un grand admirateur de Donald Trump. "La différence tout de même, souligne Jérôme Guillot, c’est que Donald Trump se base sur le parti républicain alors que lui a fondé un nouveau parti qui s’appelle 'La Liberté avance'. Il est probablement pris au sérieux par une partie de la population puisqu’il a obtenu 30% des voix au premier tour. Et d’un autre côté, dans l’intelligentsia classique, on essaie de le déconsidérer totalement. Mais en même temps, il est quand même le symptôme d’un profond problème du système politique argentin."

Paysage de Patagonie, province de Chubut plus précisément, dans le sud de l'Argentine. (Jérôme Guillot)

Pour Héloïse Velay, l’irruption de Javier Milei est le signe de la déconfiture du paysage politique argentin  : "Il y a peut-être 40% de la population qui va voter en fonction de ses convictions, et 60% vont voter contre Milei ou Massa. En fait, Milei propose une alternative à un système qui est défaillant. On attend de savoir à quelle sauce on va être mangés." Pour Jérôme Guillot, le programme électoral de Javier Milei tient en quelques slogans chocs : anti avortement, pro armes et climatoscepticisme. Au nom de la liberté de disposer de son corps, il propose la création d'un grand marché de vente d'organes. C’est surtout chez les jeunes et via les réseaux sociaux que son succès est apparu. Voter pour Javier Milei, "c’est un peu comme sauter dans le vide sans parachute", résume le Français.

Jérôme Guillot dans un café de Buenos Aires : "Voter pour Javier Milei, "c’est un peu comme sauter dans le vide sans parachute", résume le Français. (Gabrielle)

Aller plus loin

Retrouvez cette chronique sur le site, l'appli et dans le magazine de la mobilité internationale "Français à l'étranger".

Le blog de Jérôme Guillot en Argentine.

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