Argentine : un duel inédit pour le second tour de la présidentielle
C’est un pays au bord de l’explosion sociale qui se rend aux urnes dimanche. Avec une inflation qui dépasse désormais les 140% sur un an, 40% de la population d’Argentine vit sous le seuil de pauvreté. Pour s'en sortir, les habitants multiplient les crédits et le surendettement explose, comme en témoigne Héloïse Velay.
Cette Française vit depuis plusieurs années en Argentine, où elle a créé Buenos Aires Connect, un site internet dédié à l’art de vivre ; elle travaille aussi dans l’immobilier. "Tout augmente en permanence, raconte-t-elle, et c’est assez difficile de connaître le prix des choses. Très souvent, ce n’est pas possible d’acheter parce que le vendeur ne sait pas combien cela coûte. Je dois par exemple réparer un parquet, mais le propriétaire n’est pas en mesure d’acheter la colle du parquet. Tout est donc ralenti à cause de la difficulté de pouvoir travailler."
Le président argentin sortant Alberto Fernandez ne se représente pas à cause de cette crise qui s’éternise. C’est son ministre de l’Économie qui défend les couleurs du gouvernement. Retraité de l’Éducation nationale, Jérôme Guillot vit depuis des années à Buenos Aires, la capitale. Selon lui, malgré un bilan catastrophique, Sergio Massa a toutes les chances de l’emporter ce soir : "L'homme est 'responsable' de la situation économique du pays, qui était déjà dramatique l’année dernière, et rien ne s’est arrangé entre-temps. Mais comme il est l’unique recours et qu’il a l’appareil du parti péroniste avec lui, il a de fortes probabilités d’être élu."
Un système politique en déconfiture
Face à lui, un trublion que personne n’attendait. Javier Milei, aussi excentrique que populiste. Chantre d’une droite ultralibérale sur le plan économique et ultraconservatrice sur les questions de société, à l’image d’un Jair Bolsonaro au Brésil, il est aussi un grand admirateur de Donald Trump. "La différence tout de même, souligne Jérôme Guillot, c’est que Donald Trump se base sur le parti républicain alors que lui a fondé un nouveau parti qui s’appelle 'La Liberté avance'. Il est probablement pris au sérieux par une partie de la population puisqu’il a obtenu 30% des voix au premier tour. Et d’un autre côté, dans l’intelligentsia classique, on essaie de le déconsidérer totalement. Mais en même temps, il est quand même le symptôme d’un profond problème du système politique argentin."
Pour Héloïse Velay, l’irruption de Javier Milei est le signe de la déconfiture du paysage politique argentin : "Il y a peut-être 40% de la population qui va voter en fonction de ses convictions, et 60% vont voter contre Milei ou Massa. En fait, Milei propose une alternative à un système qui est défaillant. On attend de savoir à quelle sauce on va être mangés." Pour Jérôme Guillot, le programme électoral de Javier Milei tient en quelques slogans chocs : anti avortement, pro armes et climatoscepticisme. Au nom de la liberté de disposer de son corps, il propose la création d'un grand marché de vente d'organes. C’est surtout chez les jeunes et via les réseaux sociaux que son succès est apparu. Voter pour Javier Milei, "c’est un peu comme sauter dans le vide sans parachute", résume le Français.
Aller plus loin
Retrouvez cette chronique sur le site, l'appli et dans le magazine de la mobilité internationale "Français à l'étranger".
Le blog de Jérôme Guillot en Argentine.
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