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Français du monde.  Le Japon, nouvel eldorado pour Castel

Le premier producteur de vins français se développe au Japon, jusqu'ici place forte des vins chiliens. Un Français du monde, Jean-Marc Lisner, raconte l'aventure...

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Langlois
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Jean-Marc Lisner : "Les Japonais sont friands de culture et de patrimoine. Il faut leur raconter l'histoire de nos vins, de nos terroirs" (Photo Emmanuel Langlois)

L'information est passée quelque peu inaperçue, mais depuis le 1er février, tous les produits européens sont désormais exemptés de taxes de douane au Japon.

Castel, premier producteur de vins français compte bien en profiter pour reprendre des parts de marché au pays du Soleil levant. C'est surtout sur les vins d'entrée de gamme que la mesure va jouer, sur ces bouteilles vendues entre 4 et 7 euros et où les taxes représentent 15 % du prix total. C'est le cœur du marché nippon, plombé par une économie atone.

Chez Castel, on se frotte déjà les mains. "On espère passer de 4 à 4,5 millions de bouteilles vendues chaque année, pronostique Jean-Marc Lisner, le directeur de la filiale du négociant bordelais au Japon. On mise pour cela sur nos marques emblématiques Roche-Mazet (800 000 bouteilles / an) ou Baron de Lestac." Les exportations de vins et spiritueux français au Japon s’élèvent à 502 millions d’euros. Il faut dire qu'il y a dix ans, Castel était encore N°1 des ventes de vin là-bas.

C'était avant que les Chiliens, exonérés de taxes douanières depuis 2007, n'inondent le marché nippon. Du coup, la part de marché du négociant bordelais a dégringolé à 5 à 6 %. "Le problème, pointe M. Lisner, c'est que les Japonais ne consomment en moyenne que 5 litres par an et par habitant contre 50 en France ! La boisson nationale ici, c'est la bière, puis le saké, puis le whisky. Les jeunes consomment eux des cocktails qu'ils achètent à 0,80 euro. Il n'y a que les plus de 50 ans dans les grandes villes qui boivent du vin, ceux qui ont connu l'époque dorée de la bulle économique (1986-1990)."   

A point nommé

Vu que l'accord prévoit aussi une reconnaissance des IGP et des AOP (indications géographiques), Castel compte sur le "storytelling" (l’histoire de la marque ou du produit, ndlr) pour recruter de nouveaux clients et vendre des flacons plus haut de gamme : "Les Japonais sont friands de culture et de patrimoine. Il faut leur raconter l'histoire de nos vins, de nos terroirs, des artisans vignerons qui les ont élevés, et leur montrer qu'un Cabernet Sauvignon du Languedoc n'a rien à voir avec le même cépage planté dans le Médoc." Ce n’est pas pour rien que le groupe bordelais s’est offert à 50/50 avec le Japonais Suntory Château Beychevelle, le domaine iconique de Saint-Julien. Pour la petite histoire, c’est grâce à George W. Bush que l’accord a vu le jour. Boycotté par les Etats-Unis sous son mandat, le Japon s’était alors tourné vers l’Europe pour écouler ses produits électroniques et ses voitures. En échange, Tokyo avait accepté de supprimer les taxes douanières sur tous les produits européens importés sur son territoire. L’Union européenne avait signé une entente similaire avec la Corée du Sud en 2011. Le Vietnam devrait suivre. Cet accord de libre-échange tombe en tout cas à point nommé à quelques mois de la Coupe du monde de rugby cet automne au Japon et avant les Jeux olympiques à l’été 2020.  

Bien étudier le marché

Jean-Marc Lisner n'est pas un petit nouveau au Japon. Ancien de chez Renault, débarqué à Tokyo il y a 33 ans au terme d'un incroyable périple en train, à bord du Transsibérien, il tombe immédiatement amoureux de l'archipel. Le jeune homme, diplômé en économie à Paris-Dauphine, se lance d'abord dans l'importation d'articles de décoration et d'art de vivre à la française.

En vingt ans, il ouvre jusqu'à 20 "corners" dans les "malls", ces gigantesques centres commerciaux, et deux boutiques en propre à Tokyo et Osaka. Il a alors 60 employés. Changement de braquet chez Castel où ils ne sont que… sept ! "On n'importe rien directement, précise Jean-Marc Lisner, père de trois enfants et marié à une Japonaise rencontrée à ses débuts dans l'archipel. On travaille avec des grossistes japonais comme Suntory ou Kokubu. Nous, on aide à la vente, au marketing, et à ce que ça se passe bien, parce que le Japon et la France, ce sont un peu deux parallèles qui ne se rencontrent pas toujours !" Façon de dire qu'ici, il est impossible de se passer d'un intermédiaire. C'est le conseil qu'il donne aux entrepreneurs tentés, comme lui, par le grand saut : "il faut bien étudier le marché avant de venir, C'est un pays lointain, très exigeant en temps et en qualité. Ils regardent toutes les étiquettes en long, en large et en travers. On ne vient pas au Japon faire des coups." Jean-Marc Lisner parle un japonais parfait mais tient à cultiver son côté français auprès de ses clients, "en restant élégant et soigneux".  

Lui écrire : lisner@casteljapan.co.jp  

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Castel Japon

Retrouvez cette chronique dans la Tribune Bordeaux, le média économique des métropoles

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