Les valeurs russes de Vladimir Poutine
Tout d'abord
un constat : la Russie de Vladimir Poutine s'éloigne chaque jour un peu plus
des valeurs de l'Europe.
En Europe,
la fin du communisme en 1989 a été considérée comme une chance alors qu'il
s'agit - et il l'a dit - "d'une des plus grandes catastrophes
géopolitiques du XXe siècle" pour Poutine.
Pour nous,
l'âge des nations et des guerres nationalistes est dépassé par l'idée
européenne quand, pour Poutine, il faut renouer avec la fierté russe et, si
possible, recréer la Grande Russie.
En Europe,
nous valorisons une économie de marché quand, pour Poutine, une oligarchie
corrompue, mais tenue par le Kremlin, vaut mieux qu'une élite mondialisée.
Enfin, en Europe, nous croyons en un état de droit quand, en Russie, la justice
est sous tutelle et le droit passablement bafoué.
Un écart croissant des valeurs entre l'Est et l'Ouest
Trois
exemples. L'orthodoxie d'abord : l'église orthodoxe a un rôle
anormalement fort en Russie, ce qui participe, le patriarche étant
particulièrement radical, à une idéologie chauvine et anti-occidentale.**
Internet
ensuite** :
L'internet russe est de plus en plus censuré par les services secrets, le FSB,
ex-KGB (où Poutine a été formé). Le Kremlin multiplie les contrôles, sinon les oukases,
et a la mainmise sur le réseau. Ce modèle internet russe se rapproche donc plus
de la Chine ou de l'Iran que du modèle européen.
Les mœurs
enfin : Il a suffi
d'un seul groupe féministe punk, "les Pussy riots", pour ternir
l'image de la Russie hors de ses frontières, étant donné la censure et les
peines disproportionnées dont elles ont été victimes. Vladimir Poutine s'en
prend désormais aux gays avec une loi contre la propagande homosexuelle. Une
homophobie d'état, une homophobie froide, est en train de se généraliser en
Russie.
**L'évolution russe : une faute diplomatique, un suicide
économique**
Cette évolution russe anéantit les efforts économiques des dernières années et
l'image plutôt positive des Jeux Olympiques de Sotchi.
Expulsée du
G8, la Russie risque l'isolement vis-à-vis de l'Est et peut-être même de la
Chine. Elle risque aussi la fuite des capitaux et des cerveaux.
Surtout, aucune nouvelle idéologie ne semble se profiler : nous restons en
Russie dans le monde ancien, l'ultralibéralisme économique en plus. Au
final, c'est un nationalisme plus qu'un nouveau communisme.
Toutefois,
il ne faut pas forcer le trait : la Russie de Poutine n'est pas l'URSS :
les forces démocratiques existent ; les militants des droits de l'homme
s'activent ; une presse et une blogosphère libres et anti-poutine demeurent.
**De quel côté de l'histoire Vladimir Poutine veut-il se
situer ?**
Deux choix aux antipodes s'offrent à lui : pour le dire à gros trait, il a
le choix entre Gorbatchev et Milosevic . Le pacificateur ou
l'ultra-nationaliste qui mène son pays à la faillite.
Pour
l'instant, il a choisi la voie autoritaire et paranoïaque et nous ramène 25 ans
en arrière. En tournant le dos à l'Europe et à ses valeurs, Vladimir Poutine
tourne aussi le dos au XXIe siècle . Finalement, ce n'est pas la nouvelle
Russie qu'il construit, mais la vieille qu'il défend. C'est une restauration
plus qu'une révolution.
Le 25 mai, auront lieu les élections présidentielles en Ukraine, le même jour
que nos élections européennes. L'Ukraine, comme le souligne Edgar Morin, peut
être un pont pour la Russie et l'Union Européenne, à condition que Vladimir
Poutine ne se trompe ni de modèle, ni d'époque.
**** Pour aller plus loin :
-
* - Pierre
Rousselin, "Vladimir Poutine, croisé des 'valeurs
chrétiennes'", Le Figaro* , Septembre 20, 2013 -
Edgar Morin, "Seule une Ukraine fédérale
garantira la paix", Le Monde.fr , Mai 03, 2014 -
"Ukraine : Moscou promeut "l'homme
russe" contre les valeurs occidentales",franceinfotv , Avril
19, 2014.- V. Isachenkov, N. Vasilyeva,
"Poutine défend les valeurs conservatrices", LaPresse.ca, Décembre
12, 2013.
- V. Isachenkov, N. Vasilyeva,
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