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Des combattants occidentaux recrutés en ligne pour lutter contre Daech

Face à une organisation Etat islamique qui utilise Facebook pour diffuser son message et recruter des djihadistes, des combattants kurdes y incitent aussi des Occidentaux à les rejoindre en Syrie.
Article rédigé par Thomas Rozec
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (© Capture d'écran Facebook "The Lions of Rojava")

Avec plus de 26.000 abonnés en un mois et demi, la page Facebook "Les lions de Rojava", Rojava désignant le Kurdistan syrien au nord-est du pays le long de la frontière avec la Turquie, appelle des volontaires à rejoindre les combattants kurdes de l'Unité de protection du peuple pour "envoyer les terroristes en enfer et sauver l'humanité".

Sur cette page, figurent des photos, des vidéos, des points d'actualité sur les combats en cours entre les Kurdes et Daech. Mais dès le début, les administrateurs de la page, qui est aussi un outil de communication, ont mis en exergue le parcours d'Occidentaux venus les rejoindre partant de Grande-Bretagne, des Etats-Unis ou encore des Pays-Bas.

A la lecture des commentaires laissés, c'est aussi un moyen de convaincre ceux qui hésitent encore à partir. De nombreuses personnes avec des expériences militaires qui en font un combat de civilisation.

"Pas pour la gloire, les louanges ou la célébrité"

Il y a par exemple cet ancien Marine américain. Joshua Bell, qui est aussi un ancien candidat d'une émission de télé-réalité intitulée "Naked and Afraid", dit avoir combattu en Irak et en Afghanistan sur un groupe Facebook créé pour récolter des fonds afin de financer son voyage jusqu'en Syrie. Un mois plus tard, il poste cette photo en ligne, vêtu d'un treillis militaire et fusil à la main.

En réponse à des messages de soutien, Joshua Bell explique "qu'il n'y est pas pour la gloire, les louanges ou la célébrité. Cela doit être fait". Sur cette page Facebook, de nombreux internautes soulignent l'impuissance de leurs pays respectifs à faire face aux menaces de l'organisation Etat Islamique.

Sur la bannière de la page Facebook, figure Jordan Matson. Un Américain de 28 ans, blessé quelques jours après son arrivée aux yeux et au pied par un lance-mines de Daech, qui serait un de ceux qui aident sur place au recrutement en ligne. Il en fait d'ailleurs la promotion sur sa page personnelle début novembre. Interrogé par la BBC via Skype, il raconte : "c'est mon métier (...) Je suis un protecteur donc je suis venu aider ces gens ici. C'est une décision difficile à prendre. Vous ne vous dites pas "Tiens je vais partir dans un autre coin du monde". Je n'avais jamais quitté les Etats-Unis avant. Pour moi, je suis juste ce que je crois que Dieu m'a demandé de faire. Si c'est mon destin, il ouvrira les portes".

Jeremy Woodard, originaire du Mississippi aux Etats-Unis, est un autre combattant qui assure la promotion des combattants kurdes, comme il l'explique à la chaîne télévisée américaine CBS News. Ou Brian Wilson, venu de l'Ohio.

"Une cinquantaine de combattants étrangers"

Interrogé par France Info, un jeune Français de 26 ans est entré en contact avec eux à la recherche d'explications en français. Chrétien très pratiquant et suivant depuis plusieurs mois la situation géopolitique de la région, il se présente comme un "volontaire de base" à la différence dit-il des "vétérans aguerris" qui expriment en ligne leur désir de rejoindre les milices kurdes forts d'une expérience militaire dans leurs armées respectives.

Mais le jeune Français a encore "de sérieux problèmes de logistique des questions sur le choix de vie ". "On ne part pas pour ce genre d'aventures comme on part pour une mission humanitaire" , affirme-t-il.

Très peu d'informations sont données sur le processus de sélection et de recrutement, l'aide apportée ou l'entraînement préalable. Un des administrateurs de la page est Zagros Cudi, un commandant d'une unité combattante kurde à quelques heures de Kobané. Au téléphone et sur Skype, il raconte qu'une cinquantaine d'étrangers les ont rejoints pour "venir aider et combattre comme des frères" sans être payés, précise-t-il. Une publication postée fin novembre explicite certaines règles pour la prise de contact. Il est, par exemple, recommandé de ne poster aucune coordonnée personnelle sur cette page ouverte à tous.

L'homme ajoute aussi que des Français sont avec eux sans donner plus de détails sur leur identité ou leur fonction sur place. Une information qui est aussi relayée dans cette interview d'un haut-commandant kurde interrogé par un spécialiste basé à Washington aux Etats-Unis sur la présence de combattants occidentaux dans leurs rangs. En France, le ministère de l'Intérieur n'a pas souhaité commenter pour l'instant. Car des questions se posent sur la légalité de la démarche et des poursuites possibles en cas de retour dans le pays d'origine. En Grande-Bretagne, le ministère des Affaires étrangères établit "une distinction fondamentale" entre l'organisation Etats islamique et les milices kurdes avant de préciser que "combattre dans une guerre à l'étranger n'est pas nécessairement un délit. Cela dépendra de la nature du conflit et des activités propres à chaque individu".

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