En Sierra Leone, on s'informe sur Ebola grâce à WhatsApp
Au fil de la journée, plusieurs informations circulent sur ces groupes WhatsApp. D'abord, le bilan deux fois par jour du nombre de victimes mortes, du nombre de guérisons et du nombre de personnes récemment contaminées. On y voit aussi des photos de patients ou de centres où l'on traite le virus, on y pose des questions : Que faire si son voisin présente les premiers symptomes du virus ? Puis, des critiques sur la façon dont le gouvernement combat l'épidémie ou sur l'acheminement quelquefois compliqué de l'aide internationale. Voire des nouvelles tout autres comme le devenir du club d'Arsenal. Pourquoi? Car un groupe particulièrement actif sur le sujet d'Ebola est initialement un groupe de fans en ligne de l'équipe britannique de football.
France Info a joint Emerson Fowai, un bénévole dans une ONG à l'est de la Sierra Leone, à Kailahun. Lui s'informe essentiellement sur WhatsApp comme beaucoup de jeunes urbains plutôt éduqués. "Dans ces groupes, les gens viennent d'un peu partout en Afrique. Certains viennent de Libéria, d'autres de Guinée ou même des Etats-Unis ou d'Angleterre sans oublier les quatre coins de la Sierra Leone" , explique-t-il. Il raconte cette anecdote d'une ambulance en route pour Kailahun, où se trouve un des meilleurs centres de traitement contre le virus Ebola, qui, à son arrivée, était déjà attendue par les habitants dont certains avaient été prévenus via WhatsApp.
Emerson Fowai apprécie la liberté de ton sur WhatsApp. "Les gens se disent tous bonjour, on parle aussi de nos mauvais jours". Mais lorsque la situation devient plus critique, les membres des groupes de discussion aiment penser qu'ils vont au-delà des informations officiellles, très contrôlées par le gouvernement qui veut éviter l'affolement général.
Trop ou pas assez informés sur le virus Ebola ?
Pour autant, de nombreuses rumeurs circulent sur WhatsApp comme celle du venin de serpent qui pourrait guérir du virus d'Ebola. C'est aussi ce qu'a pu constater Jonah Lipton, un doctorant en anthropologie à la London School of Economics. Il a vécu pendant près d'un an à Freetown, la capitale de la Sierra Leone, jusqu'à très récemment. Parti pour étudier le système des taxis informels, il s'est trouvé dans le pays au plus haut de la crise sanitaire liée au virus. Il confie s'être même doté sur place d'un smartphone pour la première fois de sa vie.
Sur le blog "Africa at LSE" où il rend compte d'une analyse sur l'impact des rumeurs propagées sur les réseaux sociaux en Sierra Leone, Jonah Lipton raconte qu'il a appris l'existence des premiers cas d'Ebola en Guinée via un message posté sur le groupe Whatsapp de son quartier. "A ce moment, je n'ai pas fait attention ni à l'information ni aux photos troublantes. J'ai pensé à un hoax. Cela est révélateur, à mon sens, de cette ligne très poreuse entre la vérité et la parodie sur WhatsApp", écrit-il.
"C'est un outil très ambivalent" , analyse-t-il. "L’information circule très vite et c’est aussi un moyen de satire, de critique. Il y a tellement d’informations qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux. Les gens entendent des rumeurs dans leur quartier mais ils ont aussi maintenant accès à ce qui se dit à l’étranger sur ce qui se passe ici avec Ebola, ce qui se dit aussi dans le pays . Cela peut conduire à un excès d’information qui vous laisse perplexe".
Les Sierra-léonais sont-ils trop ou pas assez informés sur Ebola qui a déjà fait près de 4.000 morts en Afrique de l'Ouest ? Pour Emerson Fogwai, la balance penche plutôt vers le trop. "Nous savons plus de choses en temps réel sur Ebola que nous ne savons sur le sida par exemple. Il y a moins de confidentialité dans le premier cas". Sauf qu'en Sierra Leone, seulement 15% de la population a accès à WhatsApp.
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