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1914-1918, franceinfo y était. 16 juillet 1911 : le "coup d'Agadir"

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, le "coup d'Agadir".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Hélène Lam Trong
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un canon sur la forteresse d'Agadir. (DEA / BIBLIOTECA AMBROSIANA / GETTY IMAGES)

Nous sommes le 16 juillet 1911. Le navire allemand qui stationne devant le port marocain d’Agadir n’a toujours pas bougé. Voilà deux semaines que les marins du Kaiser Guillaume II ont pointé leurs canons vers la vieille forteresse, et du coup la tension remonte au Maroc, quelques mois après la prise de Meknès par les Français. Notre envoyée spéciale Hélène Lam Trong est sur place à Agadir. Hélène, est-ce que vous avez le bateau en vue ?

Deux semaines que la silhouette du Berlin fait face avec insolence à la vieille forteresse d’Agadir. C’est là que je me trouve, et de là où je suis on ne voit que ça : les canons du croiseur allemand pointés vers le port, les trois cents hommes à bord, ces cheminées qui tournent à plein régime… Les marins sont ravitaillés par la mer et n’ont eu pour l’instant aucun contact avec la population. Depuis quinze jours, tout le monde ici cherche comment interpréter cette provocation. Personne n’a jamais cru à la version officielle de Berlin affirmant qu’il s’agissait de protéger les ressortissants germaniques, pour la simple et bonne raison qu’ils sont seulement quatre ici, dans cette région du Maroc. L’Allemagne a clairement choisi d’alimenter la tension en taisant ses véritables intentions, laissant même penser à une déclaration de guerre qui ne disait pas son nom.

Et aujourd’hui, Hélène, les diplomates sont-ils un peu rassurés ?

Oui et non. Car, c’est vrai, le ministre allemand des Affaires étrangères vient de confirmer que tout cela se résume en fait à des velléités d’échanges de colonies, en l’occurrence il semble que c’est une partie du Congo qui intéresse les Allemands, une portion étendue et surtout stratégique, située entre l’Atlantique et la rivière Sanga. En la récupérant, ils se retrouveraient aux premières loges pour faire main basse sur le Congo belge, si la Belgique venait à s’effondrer. Scénario auquel semble croire Berlin.

Qu’est-ce que les Allemands espèrent en échange de cela ?

Peu importe, quelque part, ce sont quelques centaines de kilomètres carrés du Cameroun et la colonie togolaise que les Allemands se proposent de céder. Mais nul doute que de toute façon Paris refusera. Pas question pour la France de céder de nouveaux territoires à l’Allemagne après l’Alsace et la Lorraine. On pouvait d’ailleurs lire dans un magazine militaire la semaine dernière que cette incursion d’Agadir était une question aussi grave que le serait l’établissement d’un camp allemand en plein cœur de la Champagne. Londres a, en tout cas, déjà fait part de son soutien à la France en cas d’intervention armée. Mais pour l’heure, à Paris, le président du Conseil Raymond Poincaré se refuse à envisager la guerre…

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