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1914-1918, franceinfo y était. 10 septembre 1915 : La naissance d'un canard

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "La naissance d'un canard".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Céline Asselot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La une du premier numéro "Canard enchaîné" du 10 septembre 1915. (MANUEL COHEN / AFP)

1914-1918, franceinfo y était. 10 septembre 1915 : La naissance d'un canard

Nous sommes le 10 septembre 1915. Un canard qui a l’air de vouloir voler dans quelques plumes... Un nouveau journal est disponible dans les kiosques depuis ce matin, fondé par le journaliste Maurice et Jeanne Maréchal et le dessinateur H.-P. Gassier. Il porte un drôle de nom : le Canard enchaîné. Un canard, c’est comme ça que les journalistes appellent d’habitude une erreur, une fausse information. Le dernier de la presse proclame haut et fort vouloir donner de "fausses nouvelles". Céline Asselot, vous êtes à la rédaction et vous avez cette drôle de bestiole en main. À quoi ressemble-t-elle ?

Pour être tout à fait honnête avec vous, la première impression n’est pas très favorable : le journal ne fait que quatre pages, le papier est de mauvaise qualité, le tirage est plutôt médiocre, et il faut un peu plisser les yeux pour déchiffrer l’éditorial de ce premier numéro qui a pour titre "Coin coin coin".

On sent que les fondateurs ont de faibles moyens, ils nous ont raconté d’ailleurs avoir fait le tour de leurs amis pour trouver les 10 000 francs nécessaires pour lancer le Canard, qui sera imprimé sur les mêmes presses que l’Œuvre, le journal de Gustave Téry que les auditeurs connaissent certainement et qui devient d’ailleurs quotidien aujourd’hui en raison de son immense succès.

Ce Canard enchaîné a une ambition bien plus modeste : il paraîtra tous les 10, 20 et 30 de chaque mois, nous a expliqué l’équipe, installée de manière bien chiche dans un appartement de la rue Bondy. Rendez-vous compte, la femme du fondateur, Jeanne, gère les abonnements depuis un bureau installé dans sa chambre à coucher.

"Coin, coin, coin" comme titre : ce journal a décidé de faire dans l’ironie et l’anticonformisme...

On peut d’ailleurs le lire dans le premier numéro : le Canard enchaîné veut rompre avec toutes les traditions journalistiques établies jusqu’à ce jour. Les rédacteurs accusent la presse de notre époque de ne faire que de la propagande, de soutenir l’armée au mépris de la vérité. Depuis le début de la guerre, écrit le Canard, chacun sait que la presse française ne communique que des nouvelles implacablement vraies, le public en a assez, il veut des "nouvelles fausses"... Les deux fondateurs du journal manient bien l’ironie !

Avez-vous pu rencontrer les deux fondateurs en question ? Est-ce qu’ils ressemblent à leur journal, en somme ?

Je les ai croisés tout à l’heure dans leur bureau. Ce sont deux hommes fort originaux. Il y a d’abord Maurice Maréchal, un jeune journaliste de 34 ans, physiquement très impressionnant, qui a pour réputation d’aimer la bonne chair. À 16 heures, il rentrait tout juste de son déjeuner... Pendant longtemps, Maréchal a travaillé dans la presse d’extrême gauche et ces dernières années il tenait la rubrique météo au journal le Matin, ce qui visiblement ne le satisfaisait pas beaucoup. L’autre homme de ce journal, c’est H.-P. Gassier, un dessinateur de presse plutôt excentrique. On a chuchoté aussi que c’était un habitué des cabarets de la butte Montmartre, mais on n’en saura pas plus.Tous deux en tout cas sont assez différents. Ils ont tout de même pour point commun d’avoir été réformés, et puis de vouer une haine féroce à ce qu’ils appellent cette "presse belliqueuse".

Merci, Céline Asselot, en direct d’un nouveau journal, tout frais de ce matin, vendu 10 centimes le numéro. On verra bien si cela dure...

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