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1914-1918, franceinfo y était. 24 octobre 1916 : Les Français reprennent Douaumont

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Les Français reprennent Douaumont".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Sébastien Paour
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une tranchée près du village de Douaumont. (PHOTO12 / AFP)

Nous sommes le 24 octobre 1916. Ce sont bien les trois couleurs du drapeau français qui flottent depuis cet après-midi sur le fort de Douaumont. Depuis des mois sa masse de pierre dominait le champ de bataille de Verdun. Depuis des mois il était l’objet de tous les sacrifices. Les Allemands, on s’en souvient, l’avaient pris en février dernier presque sans combattre. Eh bien, les chasseurs, les marsouins, les zouaves et l’infanterie française leur ont quasiment rendu la pareille. Sébastien Paour, vous étiez avec eux pendant l’assaut. Comment cela s’est-il passé ?

L’assaut a duré plusieurs heures et a commencé dès hier, 23  octobre, avec l’arrivée en force de deux atouts majeurs pour cette opération  : deux canons, les deux obusiers de 400 millimètres. Il n’y en a que quatre dans l’armée française et deux d’entre eux ont été placés autour de Douaumont – le plus gros fort dans les environs de Verdun – où nous sommes entrés il y a une heure environ maintenant. Les murs de ce fort, de 6 mètres d’épaisseur, construits avec du sable, du fer, du béton et des pierres, ont été transpercés par ces obusiers de 400 millimètres installés donc sur les contreforts autour de Verdun.

À l’intérieur des casemates, maintenant, on voit le jour à travers ces murs… C’est vous dire l’intensité des bombardements qui résonnent encore sur les collines autour de nous. Le fort de Vaux n’est pas loin, et l’artillerie française continue de bombarder.

La mission de récupérer le fort de Douaumont avait été confiée au lieutenant-colonel Régnier, qui commande le RICM, le régiment d’infanterie coloniale du Maroc. Et c’est avec ces hommes que nous venons d’arriver, épuisés, à l’intérieur de cette enceinte. Nous sommes couverts de boue… L’assaut a été absolument terrible pour parvenir des lignes françaises jusqu’au fort de Douaumont tenu jusqu’ici par les Allemands.

La progression a-t-elle été si difficile ?

Entre le fort et les lignes françaises que nous venons de traverser avec le RICM, il faut imaginer de gigantesques entonnoirs creusés par les obus qui sont tombés, des trous de plusieurs mètres de profondeur. Nos manteaux et nos godillots étaient couverts de cette boue qui ruisselle, qui colle et qui nous alourdie… Il était difficile de progresser. Certains d’entre nous ne parvenaient même pas à rester sur les lèvres des entonnoirs et glissaient à l’intérieur des trous. Alors nous nous agrippions les uns aux autres et formions une sorte de chaîne pour les récupérer et les remonter. Les coureurs, qui portent les messages à l’arrière, ont disparu, mangés par ces boues mouvantes qui ont aspirés des hommes pendant cette très difficile progression jusqu’au pied de l’enceinte de Douaumont, à l’intérieur de laquelle je me trouve désormais.

On annonce des centaines de prisonniers allemands, qui se sont rendus, sonnés par ce bombardement. Avez-vous pu en rencontrer quelques-uns ?

Certains d’entre eux nous disent qu’effectivement les bombardements ont été denses. Ils parlent d’un enfer, d’une pluie de bombes tombées sur le fort. Les soldats allemands étaient plusieurs milliers – le fort pouvant accueillir environ 800  personnes – et il y avait probablement entre 3  000 et 3 500 Allemands au moment où les Français ont commencé à attaquer hier. Certains des obus de 400 mm sont tombés directement dans les casemates et les réserves de munitions, enclenchant des explosions à l’intérieur du fort, dans les couloirs – il y a plusieurs kilomètres de galeries sur deux étages. On commence à les découvrir maintenant que nous sommes à l’intérieur.

L’air était devenu irrespirable, les masques à gaz que nous portons ont été parfois inutiles tellement l’air était vicié. Les Allemands ont pour la plupart fui ces galeries après avoir tenté de résister. Leur capitaine a fini par quitter les lieux lui aussi hier en fin de journée…

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