1914-1918, franceinfo y était. 2 avril 1917 : États-Unis : la guerre au vote
Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "États-Unis : la guerre au vote".
Nous sommes le 2 avril 1917. Les États-Unis sont sur le point d’entrer en guerre. Le président Wilson vient de prononcer un discours historique devant le Congrès pour lui demander de voter la déclaration de guerre contre l’Allemagne. Il a fait référence à la révolution américaine pendant laquelle la France était venue en aide à la jeune république. Frédéric Carbonne, vous vous trouvez à Washington : on assiste là à un tournant dans la guerre. Ce fut en tout cas un discours très fort du président…
Le président Woodrow Wilson vient en effet de prononcer sans doute le discours le plus important de sa carrière politique. Il était 8h30 à la grande pendule du Congrès quand il a pris la parole. Un immense drapeau américain se trouvait derrière lui. Des élus brandissaient également des drapeaux pendant que le président s’exprimait. De longs applaudissements l’ont accueilli.
Si Wilson a convoqué cette séance extraordinaire du Congrès, c’est pour expliquer pourquoi l’Amérique n’a pas d’autre choix que d’entrer en guerre contre l’Allemagne. La neutralité, a expliqué Wilson, n’est plus possible. Tout a changé avec la déci - sion allemande de lancer la guerre sous-marine à outrance, de bloquer tous les navires approchant des côtes britanniques. "C’est une guerre contre l’humanité, une guerre contre toutes les nations", a-t-il lancé.
Ce qui frappait, c’est sa détermination, ce costume de chef de guerre endossé ce matin – une grande solennité, mais pas d’émotion apparente. "Nous ne pouvons pas choisir le chemin de la soumission et supporter que les droits les plus sacrés de notre nation soient violés", a-t-il encore dit. Une guerre donc pour les principes, une guerre pour que la démocratie soit en sécurité dans le monde.
Beaucoup sont surpris de la fermeté du président alors même que le candidat Woodrow Wilson avait fondé sa campagne sur la paix et le maintien de la neutralité.
L’image de Wilson est plutôt celle d’un homme de paix. Il a été réélu l’an dernier sur ce slogan : "L’homme qui nous laisse en dehors de la guerre", s’affrontant beaucoup avec l’ancien président Theodore Roosevelt. Encore au début de l’année, dans son discours sur l’état de l’union, il parlait d’une paix sans vainqueur et de son idée d’une société des nations.
Désormais, cependant, l’Allemagne ne lui laisse pas le choix, et celui-ci est cornélien. J’ai pu en parler avec l’une des rares personnes à qui il se confie, l’éditorialiste du grand journal New York World, Frank Cobb, qui l’a vu hier encore. Il dit ne l’avoir jamais trouvé aussi fatigué… Le président américain n’avait pas dormi de la nuit, il s’est interrogé à haute voix devant son ami : que pouvait-il faire d’autre ? Y a-t-il une alternative à la guerre ? Ce qu’il redoute, c’est qu’aux États-Unis mêmes, chez lui, ce climat martial fasse perdre pour longtemps les valeurs de tolérance. Il faut être brutal pour se battre, impitoyable…, a-t-il expliqué à Cobb, et cet état d’esprit pourrait se diffuser dans toute notre vie nationale, au Congrès, dans les tribunaux, dans la police, dans la rue… C’est cela que craint Wilson !
Le président a donc demandé au Congrès de voter la guerre. Comment sent-on ce vote à Washington ?
Les 88 sénateurs et 423 membres de la Chambre des représentants – le Congrès – se prononceront dans les jours qui viennent. Mais l’issue du vote ne fait guère de doute. Le président sera très probablement suivi. Il demeure un courant isolationniste fort, et le peuple américain ne se sent pas toujours concerné par ce qui se passe en Europe… Des élus important comme le sénateur La Follette ou le sénateur Norris continuent certes à dire qu’une guerre ne contribuera qu’à enrichir l’industrie de l’armement, que ce n’est pas une cause juste. Il reste que l’opinion a basculé et que cette ligne est devenue minoritaire. Parce que la menace est toute proche maintenant. En effet, dans le télégramme Zimmerman, rendu public le mois dernier, le ministre allemand des Affaires étrangères proposait au Mexique une alliance contre les États-Unis en échange de laquelle il récupérerait des États majeurs du Sud, comme la Californie ou le Texas. "L’Allemagne veut armer les ennemis à notre porte", a clamé le président Wilson dans son discours. Et à ce moment-là, il a été applaudi sur tous les bancs du Congrès.
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