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Histoires d'info. États-Unis et Venezuela, vingt ans de haine

L’empressement des États-Unis à reconnaître Juan Guaido n’a rien d’étonnant quand on se penche sur les relations pour le moins tendues qu’entretiennent Washington et Caracas depuis une vingtaine d’années.

Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
L'ancien président vénézuelien, Hugo Chavez, sous des portraits de Simon Bolivar, le 9 octobre 2012 à Caracas (Venezuela). (ENRIC MARTI/AP/SIPA / AP)

Le président américain Donald Trump a été le premier à reconnaître Juan Guaido comme président par intérim, mercredi 23 janvier. Les tensions entre les États-Unis et le Venezuela ont vingt ans. L'acte fondateur, c'est une élection, objet d’une courte brève dans le journal télévisé de 13 heures de France 2, le 7 décembre 1998 : "Au Venezuela, l'ex-putschiste populiste Hugo Chavez a remporté une victoire éclatante hier lors des élections présidentielles. Le leader du coup d'État de février 1992 prend ici sa revanche. Il était soutenu par la gauche."

Chavez, un "bolivarien anti-yankee"

L’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez n’est pas accueillie avec joie aux États-Unis. Il faut dire que Chavez est un caillou dans la chaussure de l'Oncle Sam. Il est porté au pouvoir et s’y maintient avec une politique très à gauche, de redistribution des fruits de la rente pétrolière qui bénéficie des cours élevés, et dont les États-Unis sont, et de loin, le premier débouché.

Mais ce n’est pas cela qui déplaît à Washington. C’est davantage la rhétorique "anti-yankee" et surtout les actes d’un président qui se dit "bolivarien". Cela veut dire deux choses pour Chavez : être indépendant des États-Unis et unifier les latino-américains. Deux objectifs qui se heurtent aux objectifs des États-Unis. En particulier à un vieux rêve de Washington formulé d’abord par George Bush père : une grande zone de libre-échange des Amériques, dont la première étape avait été scellée en Amérique du Nord avec l’ALENA entre Canada, Mexique et États-Unis en 1994.

Unification du continent sud-américain

C’est ce rêve de Washington que Chavez va enterrer. La scène se déroule en 2005, à Mar del Plata, en Argentine, pour le sommet des Amériques. George Bush fils est dans les salons bien à l’abri des altermondialistes nombreux, Chavez est lui devant la foule aux côtés de Diego Maradona pour y dire son mépris des États-Unis et de son projet de zone de libre-échange.

Chavez se présente comme l’adversaire numéro un de "l’impérialisme yankee" et, fidèle à l’idéal bolivarien, propose sa propre unification du continent qu’il appelle l’ALBA, alternative bolivarienne pour les Amériques qui séduit la Bolivie, le Nicaragua ou Cuba. L’ALBA c’est la fin de l’ALCA, l’acronyme de la zone de libre-échange voulue par les États-Unis.

Le Venezuela, champion des anti-USA

Les relations vont d’autant plus se dégrader entre les deux pays que le Venezuela se veut le champion de tous les adversaires des États-Unis. Face aux difficultés économiques liées au renversement de la conjoncture pétrolière, mais aussi pour satisfaire sa base électorale, Chavez cherche des soutiens au-delà de l’Amérique latine, chez les émergents rivaux des États-Unis, Chine, Russie ou encore chez les ennemis de Washington, comme ici en janvier 2012 à Caracas, Chavez reçoit Ahmadinejad : "Nous savons que l'une des cibles de l'empire Yankee est, depuis longtemps, l'Iran. C'est l'une des raisons de notre solidarité avec toi."

La tentation est forte alors de voir la main de Washington dans le renversement du pouvoir chaviste, au fond, dans l’Histoire, ce ne serait pas la première fois en Amérique latine. Cela s’inscrirait dans la droite ligne des sanctions imposées par les administrations Obama et Trump. Mais corrélation ne vaut pas causalité et il serait tout de même un peu rapide de nier l’immense soulèvement populaire et de mettre de côté les errements d’un modèle économique alternatif enthousiasmant certes, mais qui n’a pas su sortir d’une dépendance pétrolière mortifère et d’une corruption endémique.

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