Histoires d'info. Le service national universel, ou la nostalgie du service national perdu
Gabriel Attal a tenu à le préciser, "le service national universel n’est pas un service militaire". Il vient pourtant tenter de remplacer un supposé vide laissé par la fin du service national, en 1996.
Le 28 mai 1996, Jacques Chirac, depuis l’Élysée, enterre la conscription telle qu’on la connaissait sous la forme républicaine depuis 1871 : "Je propose que le service national soit supprimé et qu'il laisse la place à un volontariat tout en maintenant le principe d'un rendez-vous entre la nation et sa jeunesse."
On sent bien, à écouter Jacques Chirac, qu’il y a une logique militaire, voire économique, mais aussi la crainte de la perte du lien entre la jeunesse et la nation. À l'époque, à part les Chiraquiens, il est difficile de trouver des dirigeants politiques qui applaudissent cette décision. Quasiment tous, souverainistes ou non, s’inquiètent clairement des conséquences pour la cohésion nationale, parant le service devenu national en 1965 de vertus civiques extraordinaires.
Le mythe d'une nation de "citoyens-soldats"
Dans le grand récit national, le service militaire fait de la nation française une nation où tous les hommes peuvent la défendre. C’est ce qui apparaît clairement dans cette archive de février 1945 : "Sur la place de l'hôtel de ville, d'autres étudiants se sont rassemblés pour affirmer leur désir de recevoir un enseignement militaire. L'ennemi a tenté de corrompre la jeunesse française en l'entraînant dans la lâcheté, il n'y est pas parvenu."
C’est tout un idéal presque antique d’une nation de "citoyens-soldats", qui se clôt en 1996. Un idéal et largement un mythe, en témoigne la quête de sursis militaires pour les étudiants, l’objection de conscience dans les années 1960 ou même à partir de 1965 la disparition du service militaire au profit du service national, avec donc beaucoup d’activités civiles lors du service. À partir des années 1970, le grand jeu est d’être réformé. On est donc loin d’un attachement profond et généralisé de chaque jeune homme français à la nation via l’armée.
Le mythe du brassage social
Mais il y a un mythe peut-être encore plus fort, d’autant plus fort à rappeler aujourd’hui qu’il est largement à l’origine du projet de service national universel. Ce mythe est très clairement formulé par Valery Giscard d’Estaing, en 1975, le 23 mars, le président s’exprime à côté d’un feu de cheminée, à l’Élysée : "Le service permet aux jeunes français de toute condition de se connaître et de se rencontrer."
Le service militaire comme seul lieu de rencontres entre tous les jeunes Français quelles que soient les catégories sociales, voilà ce qu’aurait brisé la fin du service en 1996. Voilà encore un mythe qui a la vie dure. Cela a pu être en partie vrai à la fin du XIXe siècle et au début du XXe pour les paysans qui découvraient le confort moderne dans les casernes, ou des jeunes qui, jusqu’à la fin, ont changé de région. Mais on avait davantage un brassage géographique que social.
Parce que les classes les plus aisées, quand elles n’avaient pas le piston ou un bon psy pour être réformées, ont toujours su éviter le brassage social vanté par Giscard. En choisissant la coopération ou le service dans une entreprise ou en se planquant dans telle ou telle bureau. Au fond, le service national universel répondra aux enjeux du vivre ensemble s’il est vraiment universel.
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