Histoires d'info. Quand un président dialogue avec les jeunes, un exercice récent et risqué
Le président Emmanuel Macron est en Saône-et-Loire jeudi pour une étape du grand débat national avec un millier de jeunes. Voir un chef de l'État débattre avec la jeunesse est un exercice récent et plutôt risqué.
C’est au tour des jeunes de dialoguer avec le président de la République. Emmanuel Macron est en Saône-et-Loire, jeudi 7 février, devant un millier de lycéens, étudiants et apprentis, dans le cadre du grand débat national. Un exercice récent, très rare et plutôt risqué pour un chef de l'État. La première fois qu’un président dialogue véritablement avec des jeunes, c’est en 1980 au Bourget. Avant cela, le dialogue était absent, au grand dam de la jeunesse d’ailleurs qui rappela bruyamment au général de Gaulle qu’elle voulait être entendue, c’était évidemment en mai 1968.
Par la suite, si la jeunesse est devenue un enjeu du débat politique, il faudra attendre douze ans et 1980 pour voir un président, Valéry Giscard d’Estaing, face à près de 3 000 jeunes. Il dialogue avec cinq d'entre eux, avant de prononcer un grand discours. Il faut dire qu’à un an de la présidentielle, les jeunes à qui il a donné le droit de vote à 18 ans pourrait lui faire perdre l’élection face à François Mitterrand.
Un exercice de communication souvent raté
Les jeunes face à lui sont essentiellement giscardiens et on sent que le président a un peu de mal à communiquer avec eux, même s’il veut leur faire plaisir. "Je vous annonce la création en région parisienne de Radio Jeune Île-de-France qui sera un poste spécialisé pour les jeunes dont l'animation et la direction sera confiée à des éléments jeunes", déclare Valéry Giscard d'Estaing le 29 mars 1980. "Des éléments jeunes", décidément il n'est pas simple de leur parler.
Il y a une forme d’incommunicabilité entre les présidents et les jeunes. Et quand les présidents tentent de "parler jeune", les ficelles de la communication politique sont plutôt énormes. En 1985, également dans un contexte électoral, face à Yves Mourousi, François Mitterrand tente de renouer les fils avec la jeunesse, renouer les fils, c’est le cas de le dire. "Vous savez ce que c'est que 'chébran' ?" demande le présentateur du JT de 13 heures de TF1.
Quand j'étais enfant, déjà, on inversait l'ordre des syllabes dans le mot, ce n'est pas très nouveau. Ça veut dire branché bien entendu [...] mais c'est déjà un peu dépassé, vous auriez dû dire 'câblé' !
François Mitterrandle 29 avril 1985
Mais l’exercice qui se rapproche le plus de celui auquel se livre Emmanuel Macron, c’est Jacques Chirac qui s’y attelle, en mars 2005, une fois encore dans le contexte d’un vote, ici le référendum sur la Constitution européenne. Sur TF1, Patrick Poivre d’Arvor insiste sur le caractère exceptionnel de l’événement. "Nous voilà donc ensemble pendant deux heures pour une émission tout à fait singulière et très attendue", annonce le journaliste. Plus de deux heures, pour quel résultat ? Pour beaucoup, c’est un fiasco. Le président n’aurait convaincu personne et aurait même renforcé le camp du non. Ce "dialogue de sourds", comme analysé sur France Inter à l'époque, a profondément marqué la classe politique au point que ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande ne prendront le risque de parler directement, publiquement et collectivement à des jeunes. Un risque qu’a donc décidé de prendre Emmanuel Macron, jeudi 7 février.
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