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Histoire d'info. Quand le passé est tordu dans tous les sens par les candidats

Les candidats à l'élection présidentielle font très souvent appel à des faits historiques. Des références historiques pas toujours utilisées à bon escient.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le général de Gaulle le 8 juin 1968. (KEYSTONE PICTURES USA / KEYSTONE)

Rarement l'histoire n'a été aussi présente dans une campagne présidentielle. Mise à toutes les sauces, elle n'en sort pas forcément grandie. Mardi 18 avril, une nouvelle fois, un candidat fait appel à l'histoire de France. Marine Le Pen était sur TF1 et elle a cité Richelieu, en réponse à une question de Gilles Bouleau. "Est-ce qu’il y a un homme ou une femme qui vous sert de modèle, d’inspiration ?", a demandé le journaliste. "En ce moment, Richelieu, a-t-elle répondu, qui est le promoteur d’un Etat moderne, qui a refusé justement qu’une religion prenne le pas sur la France."

Pas besoin d’être un expert en histoire pour deviner qu’elle parle de l’époque actuelle et invoque l’histoire à des fins politiques. Ce n’est bien sûr pas la seule à l’avoir fait, cela a été un élément récurrent de cette campagne électorale. 

Evoquer une figure historique du passé vise, par un tour de passe-passe, à être associé à ladite figure. À gauche par exemple, Jean-Luc Mélenchon a évoqué les figures de Jean Jaurès ou de Louis XI, qui "a vaincu l’autre par son intelligence politique", précisant malicieusement qu’il se reconnaît assez dans ce personnage. La comparaison avec le roi tient-elle encore quand il précise que, parfois, "cela tourne mal pour lui parce qu’il en fait trop" ?

À droite, François Fillon s'est comparé à Vercingétorix, mais aussi à Jeanne d'Arc et Pierre Bérégovoy, deux figures devenues symboliques du courage et de l'héroïsme pour la première, de la lutte contre l'injustice pour le second. 

Au-delà des figures historiques convoquées, deux visions de l'histoire se sont affrontées

À droite et à l'extrême droite, on s’est largement emparé de l’idée du roman national, c’est-à-dire le fait de raconter une certaine histoire de France qui sert à glorifier le passé, justifier le présent et garantir l’unité pour l’avenir. Sur le thème de la colonisation, François Fillon avait ainsi considéré pendant les primaires que "la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord." De son côté, Nicolas Sarkozy avait évoqué "nos ancêtres les Gaulois".

Au centre et à gauche, on a davantage interrogé les heures plus sombres de l'histoire de France. Toujours à propos de la colonisation, on a ainsi beaucoup parlé de la sortie d’Emmanuel Macron qui l'avait qualifiée de "crime contre l’humanité, une vraie barbarie", assumant qu’elle "fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ce geste".

Même en revisitant l'histoire, l'actualité et les sondages ne sont pas loin

Jean-Luc Mélenchon ne cesse de rappeler la grandeur de Robespierre, qui n'est pas une figure du roman national tel que l'entend la droite mais une des figures les plus complexes de l’histoire de France. Dans un entretien il y a quelques mois, Jean-Luc Mélenchon avait mentionné un Robespierre opposé à la guerre, car il pense qu’elle "finira par un militaire. (…) Vous êtes en guerre, vous avez des généraux vainqueurs et toute la suite de l’histoire de la Révolution va être une espèce de fascination, comme aujourd’hui avec les sondages."

Pour Benoît Hamon, c’est également la Révolution française avec la bataille de Valmy lors de son récent meeting à Bercy : "Imaginez d’ailleurs si un bel esprit était allé voir les révolutionnaires de l’an II qui, à Valmy, faisaient trembler le sol au cri de ‘Vive la nation !’ contre toutes les monarchies de l’Europe en leur disant : ‘Soldats ! Faites un peu moins de bruit, les sondages donnent le duc de Brunswick gagnant !’ Alors, nous allons faire du bruit dans cette élection !"

En visite dans le Puy-de-Dôme, François Fillon avait, lui, préféré la figure locale de Vercingétorix, "un rebelle gaulois [qui] infligea une défaite magistrale à Jules César, qui était pourtant le favori des sondages."

On a donc un usage récurrent et une récupération de l’histoire.

Une figure fait la quasi-unanimité

Plutôt à droite mais également un peu à gauche, la figure du général de Gaulle s’est vraiment imposée pendant cette campagne. Il a été cité par tous, ou presque, de Marine Le Pen ("Le général de Gaulle disait : ‘En France, sans l’État, ça merdoie.’ Il avait raison !") à Emmanuel Macron ("Je choisis, comme le général de Gaulle, le meilleur de la gauche et le meilleur de la droite, et même le meilleur du centre"), en passant par François Fillon ("Mes amis, je n’ai qu’un modèle en politique, celui du général de Gaulle"), Nicolas Dupont-Aignan ("Je suis un gaulliste social, je veux changer mon pays"), François Asselineau ("Il y a un homme d’État qui avait tout compris, c’était Charles de Gaulle") et Jacques Cheminade ("Je me sens gaulliste de gauche").

Une campagne qui a été longue pour les candidats mais aussi pour les historiens qui ont vu leur discipline souffrir en entendant cette histoire tordue dans tous les sens par les hommes politiques. Et ce n’est pas encore fini puisqu’il reste encore quatre jours avant le premier tour.

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