Tintin, héros du siècle
Tintin a 90 ans. Le héros crée par Hergé a traversé un siècle dont il est devenu l'un des grands témoins.
"Tintin au pays des Soviets", culte et tabou
Tout a commencé le 10 janvier 1929 lorsqu’un nouveau personnage apparaît dans le supplément jeunesse d’un grand journal belge. Le journal c’est Le Vingtième, le supplément, c’est Le Petit Vingtième… Le dessinateur, c’est Georges Remi, alias Hergé qui a reçu une commande de son rédacteur en chef.
La commande est relativement sommaire : un héros qui est un reporter, et qui part en URSS. C’est la naissance de Tintin, de son fidèle Milou, Tintin reporter du Petit Vingtième. Publiées d'abord en feuilleton, ces premières aventures de Tintin sont publiées en album en septembre 1930.
Cet album c’est Tintin au pays des Soviets longtemps introuvable et objet d’un culte chez les Tintinophiles. Un album tabou, plus encore que Tintin au Congo, au moins au départ ! On accuse Hergé d’avoir versé dans l’antisoviétisme primaire, d’être à la solde de l’extrême droite…
Hergé édite 500 exemplaires de cet album à compte d’auteur pour ses amis en 1966. En 1969, une édition pirate est saisie dans les libraires, mais en 1973, Casterman le réédite enfin en même temps que les deux albums suivants, Tintin au Congo et Tintin en Amérique. L’occasion pour Hergé de revenir sur Tintin au pays des Soviets, il est ici l’invité de Bernard Pivot dans Ouvrez les Guillemets, l’ancêtre d’Apostrophes.
Il est certain que ça se passait dans un journal catholique, d'extrême droite, anti-soviétique
Hergé
Tintin, une fenêtre sur le monde
Le contexte auquel Hergé fait allusion pour justifier Tintin au pays des Soviets, il ne va finalement jamais cesser d’y coller.
C’est l’Anschluss dans une aventure très antifasciste publiée en 1938-1939 avec comme grand méchant le terrible Müsstler -mi Mussolini, mi Hitler-, dans Le Sceptre d’Ottokar. Dans l’aventure suivante, terminée seulement à la fin des années 1940, c’est le pétrole, enjeu géopolitique majeur au Moyen-Orient et au-delà dans Tintin au pays de l’or noir.
C'est encore la conquête spatiale, avec deux albums, Objectif Lune en 1953 et On a marché sur la Lune en 1954. Et quand les Soviétiques envoient en orbite Spoutnik avec la chienne Laika en 1957, vers qui les journalistes se précipitent-ils ? Eh bien vers Hergé bien sûr !
"Monsieur Hergé, que pense Tintin du lancement de Spoutnik ?"
"Ah, Tintin évidemment admire profondément l'exploit réalisé là. Et d'un côté, il est un peu inquiet, car s'il ne connaissait pas le professeur Tournesol comme il le connaît, il aurait été tenté de le soupçonner d'avoir communiqué aux Soviétiques les plans de sa fusée lunaire !"
L'hommage du Dalaï Lama
Même si Hergé dira de Tintin qu’il est apolitique, la politique est partout, et même quand il ne fait pas de politique.
Le moins politique des albums est sans doute Tintin au Tibet, album magnifique de 1959, où le blanc domine, l’album préféré d’Hergé, une belle histoire d’amitié, dans lequel Tintin part retrouver Tchang perdu depuis Le Lotus Bleu en 1934. Une histoire sans méchant qui marque d’ailleurs pour Hergé la fin d’une très longue période de dépression. D’ailleurs Tintin y pleure de joie en retrouvant Tchang, après avoir pleuré une première fois, de tristesse en quittant le même Tchang.
Eh bien même ce livre a une portée géopolitique. Alors que Hergé ne dit pas un mot de la répression chinoise et du départ du Dalaï Lama, ce même Dalaï Lama dira en 2006 : "Ne vous y trompez pas, 'Tintin au Tibet' a permis à un nombre de personnes considérables de par le monde de savoir que le Tibet existait. Hergé a permis une prise de conscience internationale beaucoup plus aigüe du Tibet. En nous envoyant son reporter, son rôle fut très significatif."
Voilà qui en dit long sur l’importance politique et historique d’un petit bonhomme à la houppette né il y a 90 ans.
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