"Mon combat, c'est d'obtenir justice pour mon fils", revendique Mounia Merzouk la mère de Nahel

Son fils a été tué par un policier en juin 2023 après un refus d'obtempérer. Plus d'un an après, l'enquête suit toujours son cours et Mounia Merzouk raconte sa douleur et revient sur les différentes critiques auxquelles elle a fait face.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Mounia Merzouk, la mère de Nahel tué par un policier après un refus d'obtempérer le 27 juin 2023. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / FRANCEINFO)

Le 19 novembre 2023, Mounia Merzouk exprime sa détresse et sa colère lors d'un rassemblement à Nanterre. Le policier qui a tué son fils unique Nahel cinq mois plus tôt, le 27 juin dans cette ville des Hauts-de-Seine, après un refus d'obtempérer, vient d'être libéré sous contrôle judiciaire. Face à la foule de manifestants, elle jure qu'elle va "continuer à se battre" pour son fils. "Justice pour Nahel", répète-t-elle, cri aussitôt repris par les manifestants.

Une reconstitution a lieu en mai, puis une confrontation entre les deux parties mi-juillet 2024. L'enquête suit toujours son cours dans cette affaire. Florian M., le policier qui a tiré sur le jeune homme de 17 ans, a été mis en examen pour meurtre. Au cœur de l'instruction, le témoignage des deux autres passagers du véhicule "toujours traumatisés", selon la mère de Nahel, et une vidéo de ce contrôle routier opéré par deux policiers motocyclistes de Nanterre dans une rue de la ville, postée par une jeune fille et vue dans le monde entier, qui contredisent la version des deux policiers impliqués qui plaident la légitime défense.

Plus d'un an après la mort de Nahel qu'elle a élevé seule, Mounia Merzouk répond aux nombreuses critiques qu'elle a subies, notamment pour être apparue quelques jours après la mort de son fils sur une moto-cross au milieu d'une foule de jeunes. Elle raconte aussi sa douleur abyssale. Un an après le décès de son fils, son état est "pire que la première fois qu'on m'a annoncé pour Nahel. Tu ne sens rien à l'intérieur de toi, c'est mort, tu te poses plein de questions. Mais tu n'as plus le goût à quoi que ce soit". Tout au long de ces douze mois, entre ce jour fatidique, l'attention médiatique, les émeutes, les réactions de tous bords, l'aspect judiciaire, le moment qui a été le plus terrible, le plus difficile à gérer, a été selon elle la perspective de "croiser" ceux qu'elle nomme "les deux assassins de (s)on fils à l'extérieur".

"Ça ne passe pas. Vous avez tué mon fils. Je veux que vous soyez punis comme tout le monde."

Mounia Merzouk

à franceinfo

Mounia Merzouk insiste : "Je ne peux plus l'embrasser. Je ne peux plus entendre 'maman, je t'aime'. Je peux plus rien entendre de mon fils, juste sa voix de temps en temps sur des enregistrements qu'on m'a envoyés. Mais je n'ai plus rien moi. Le matin, quand je me lève, sa chambre en face de moi, je la vois vide. C'est dur, franchement, c'est dur".

Les critiques sur son comportement ou l'éducation de son fils

Sur les réseaux sociaux, notamment, la mère célibataire a été la cible de nombreuses critiques sur, par exemple, l'éducation qu'elle a donnée à son fils. Elle se défend : "Je lui ai donné une très bonne éducation et ceux qui pensent le contraire, j'aimerais juste les voir seuls à courir, à faire du stop à 2 heures ou 3 heures du matin quand ton fils est malade pour l'emmener en urgence à l'hôpital parce que tu n'as pas de voiture. Et le lendemain, il faut reprendre le travail et courir de gauche à droite pour que son fils ne manque de rien, pour qu'il ait un toit. J'aimerais voir ces gens qui critiquent, qu'ils fassent au moins ce que j'ai fait. Tous les matins, je vais au cimetière, je nettoie sa tombe et je communique avec lui. Je lui raconte ma matinée de travail".

Mounia Merzouk a été attaquée aussi sur sa réaction après la mort de son fils. Les critiques estimant son comportement déplacé ou désinvolte, alors qu'elle venait de perdre son enfant. Elle marque un temps avant de répondre et finit par souffler, "j'ai la foi" et poursuit "après, toute maman est différente. C'est dur pour moi et comme beaucoup de personnes voudraient avoir une explication sur le fait que je sois montée sur la moto, c'est que mon fils était un fan de 'compèt'. Il était doué, très doué même". 

"Ils peuvent penser ce qu'ils veulent, chacun fait son deuil comme il le ressent."

Mounia Merzouk

à franceinfo

"Les réseaux sociaux sont très méchants, mais j'ai beaucoup plus de soutien. Et ceux qui me soutiennent, je les remercie mille fois. Ça fait chaud au cœur", raconte-t-elle.

Une exposition médiatique qui la dépasse

Si Mounia Merzouk estime que son exposition médiatique a servi à rendre visible sa quête de justice pour son fils, elle semble aujourd'hui la regretter un peu. Elle est devenue une personnalité à Nanterre que les gens viennent saluer, certaines personnes lui demandent parfois une photo. Elle confirme que sa notoriété dépasse le cadre de Nanterre. "Quand je sors, les gens me reconnaissent et viennent me voir en disant : 'On est de tout cœur avec toi'. Pour les photos, ça me gêne un petit peu, je n'ai pas gagné des millions. J'ai perdu un enfant", dit-elle.

Mounia Merzouk insiste, "je ne suis pas une star et je suis même un peu gênée parce que les gens connaissent ma vie maintenant, elle est complètement dévoilée, c'est un peu triste, mais on est là, on survit, on continue. Mon combat, c'est d'obtenir justice pour mon fils. J'attends un procès pour ces deux policiers, je suis pressée. Comme j'ai vu plusieurs jugements de violences policières avec des policiers dehors, ça me fait peur". Après un arrêt-maladie consécutif au choc provoqué par la mort de son fils, Mounia Merzouk a repris à temps partiel son travail de livreuse de chimiothérapies à domicile. "Les patients ont besoin de moi". Elle espère pouvoir bientôt quitter l'appartement tout neuf où elle avait emménagé avec Nahel un an avant sa mort.

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