Cet article date de plus de deux ans.

Culture d'été. "Leïla et ses frères" : comme une tragédie antique, de nos jours en Iran

Le jeune et surdoué réalisateur iranien Saeed Roustaee frappe fort à nouveau après "La loi de Téhéran". Son troisième long métrage, qui était en compétition à Cannes, sort mercredi 24 août sur les écrans français.

Article rédigé par Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Extrait de la bande annonce de "Leïla et ses frères", de Saeed Roustaee (WILD BUNCH DISTRIBUTION)

Sorti en 2021, La loi de Téhéran était un ovni spectaculaire, à la mise en scène virtuose n'ayant rien à envier à Hollywood, qui nous présentait une réalité méconnue de l'Iran, le fléau de la dépendance à l'opium.

Le nouveau film de Saeed Roustaee est plus classique en apparence : une histoire de famille quasiment à huis-clos, celle d'une jeune femme et ses trois frères qui essaient par divers moyens de quitter leur condition modeste. Et leur père, vieillard malade et opiomane, qui attend de devenir le parrain de la famille, avec les privilèges que cela suppose.

Ne pas se fier à la durée du film, 2h45, ni à son côté très bavard, parce que là encore c'est rythmé comme un polar. "J'avais eu l'idée de ce film avant de faire La Loi de Téhéran, et d'ailleurs je ne considère pas du tout celui-ci comme un polar, dit Saeed Roustaee. La question de la drogue dans mon film précédent touche certaines personnes, même si elles sont nombreuses en Iran. En revanche dans Leïla et ses frères, l'intrigue tourne surtout autour des conséquences des sanctions internationales qui provoquent une inflation galopante, et notamment la hausse monumentale du cours de l'or. Et ça pour le coup, ça touche absolument tous les Iraniens, riches ou pauvres, donc on ne peut pas vraiment décrire cette histoire comme intime."

Conflit tradition-modernité

Là encore, le réalisateur nous présente un Iran actuel tiraillé entre deux pôles opposés, qui se mélangent malgré tout. D'un côté le poids des coutumes et des traditions, il faut à tout prix préserver les apparences et laisser croire qu'on a de l'argent, et de l'autre une société plus moderne, où on s'épuise dans les salles de fitness, où l'on peut s'enrichir grâce à internet et aux nouvelles technologies, et où les femmes jeunes bravent les interdits pour fumer seules sur des terrasses malgré le regard des voisins. 

"Il y a surtout le fait que cette famille, et en l'occurrence les plus jeunes, veulent changer de catégorie sociale. Or on ne les laisse pas le faire, c'est comme s'ils n'y étaient pas autorisés, souligne Saeed Roustaee. Ils veulent trouver un chemin logique pour s'élever dans les classes sociales, mais le poids de ces traditions les en empêche, et s'ajoute à la crise économique et sociale du pays."

Pendant tout le film ou presque, les protagonistes mentent, se trahissent, s'arnaquent, parfois de façon impardonnable, ce qui donne un peu plus à Leïla et ses frères des atours de tragédie antique.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.