"Profession du père" : voyage en "absurdie"
Sorj Chalandon n'en finit pas d'ouvrir ses valises pour en extraire une matière littéraire de plus en plus forte, après les guerres qu'il a couvertes comme journaliste, l'Irlande, le Liban, voilà son passé intime, celui d'un enfant dont le père est un psychopathe violent, mythomane.
Il module son style en fonction de l'âge du personnage du fils, défi réussi et on est absorbé, fasciné, par la folie de ce père qui s'invente mille vies, la mère est passive, battue elle aussi et, comme le petit Emile, on y croit. Une nuit, dans un appartement sans âme du Lyon des années 50, ce père dont le fils est incapable de dire la profession à chaque rentrée scolaire, réveille Emile transis de froid pour lui annoncer qu’à partir de cet instant il est un soldat, que son père est dans une organisation secrète qui a besoin de lui pour assassiner le général de Gaulle. Parce qu’on croit toujours son père à cet âge-là, le garçon va vivre au grès de ces histoires folles, loufoques, jouer à cache cache dans Lyon persuadé d’avoir la police à ses trousses. A chaque jour une nouvelle aventure, ponctuée de coups, de déchainements de violence imprévisibles.
En grandissant, Emile-Sorj, réalise que finalement le général de Gaulle est mort de sa belle mort, que l'ami américain, Ted, qui a perdu un bras, qui n'a pas pu sauver Kennedy et bien n'existe pas, bref, que ce père est un grand malade. Mais comme dans tous ses romans, Sorj Chalandon a ce génie du bien, cette capacité à se nourrir du pire pour en faire des romans, ce n'est jamais larmoyant, c'est terriblement drôle et on admire sa capacité à résilier le mal.
"Profession du père" de Sorj Chalandon c'est chez Grasset.
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