François Jost : "Au lieu de diriger les débats, les animateurs remettent de l’huile sur le feu et donnent leur opinion"
Les Français ont de moins en moins confiance dans leurs médias, c'est ce qui ressort de l'ouvrage du sémiologue François Jost, "Médias, sortir de la haine".
Dans Médias : sortir de la haine (CNRS éditions - septembre 2020), François Jost estime que "l'heure n’est plus à la discussion, mais à la haine." Un constat qu’il applique à certaines chaînes TV d’info, objets d'une "droitisation, avec parfois des chroniqueurs qui, comme Eric Zemmour, ont été condamnés pour incitation à la haine raciale, et des thématiques extrêmement clivantes, comme l’immigration, la sécurité."
S’agit-il de pur marketing éditorial ? En 1995, quand Alain Juppé a fait un plan sur la Sécurité sociale, toute la presse a dit : "C’est formidable", "Juppé l’audace", etc. se remémore le sémiologue de la Sorbonne Nouvelle Paris III. Et puis on a vu une grève colossale, un divorce très clair entre le microcosme médiatique et les gens. Au lieu de continuer à s’adresser à une frange très près d’eux, certaines chaînes se sont dit : "pourquoi ne pas parler à ces gens qui ne se sentent pas représentés par les médias (…) et auxquels on s’adresse directement ?"
Des "débats" qui "alimentent l'émotion"
Il remarque surtout que, à l'instar de Pascal Praud sur CNews, "les animateurs font partie du débat. Au lieu de diriger les débats, ils remettent de l’huile sur le feu et donnent leur opinion." La radicalisation de chaînes d’information est un phénomène international, inspiré par le succès de Fox News aux USA, et comme l’indiquent deux projets que s'apprêtent à lancer l'Australien Rupert Murdoch et l'Américain John Malone, en Angleterre. "Ces débats alimentent l’émotion" analyse le sémiologue, rappelant que lorsque Geoffroy Lejeune qui était sur LCI a été écarté, le directeur a dit : "Ça nous coûtera peut-être des points d’audience mais c’est plus moral. Il reconnaissait que parler de ces thèmes fait de l’audience et c’est purement du marketing."
La limite de cette évolution des chaînes ne réside-t-elle pas dans l’approche commerciale ? Si l’audience progresse, la publicité ne suit pas forcément. "Plus les médias se développent, plus la question de l’éthique est considérable", reconnaît François Jost. "Les annonceurs peuvent alerter, cela s’est passé sur C8 avec Cyril Hanouna, cela s’est passé pour la télé-réalité. Les annonceurs ne veulent pas se compromettre, car cela leur fait du mal en termes d’image", conclut-il.
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