Le magazine féministe "Causette" devient 100% digital mais ne souhaite pas "laisser de côté les lectrices de la version papier"
Christine Turk est la nouvelle directrice éditoriale et digitale du groupe Hildegarde qui a dans son portefeuille le magazine Causette, créé il y a 15 ans, et qui voit sa version papier disparaître au profit d’une version uniquement en digital. Elle assure que le magazine poursuivra son travail de mise en valeur de tous les sujets qui tournent autour des femmes et du féminisme et fait un appel aux abonnements ou aux dons pour que le titre perdure.
franceinfo : C'est toujours un peu triste de voir un titre qui disparaît des kiosques. Il n'était financièrement plus possible de continuer le papier ?
Christine Turk : C'était compliqué. Aujourd'hui tout le monde a entendu dire qu'il y avait une crise sur le papier qui touche toute la profession. Pour Causette, cela a représenté plus de 150 000 € sur une seule année. Il y a le prix, mais aussi la distribution parce que les kiosques, malheureusement, disparaissent les uns après les autres. Et lorsqu'on est un média, on se doit de pouvoir parler au plus grand nombre, d'être facile d'accès et on n'arrivait plus à l'être.
Le premier média féministe en France, en 2009, c’était vous !
Exactement, il y a 15 ans. On a été considéré comme étant la bible du féminisme en France par un journal anglais à l'époque. On était assez fières. On a été les premiers avant même #MeToo. Causette a aussi permis de traiter l'information généraliste d'un autre œil, avec quelque chose de différent sur des sujets comme l'argent.
Désormais, il y en a des sujets féministes partout, y compris dans la presse généraliste. Il y a encore de la place pour Causette ?
Il y a une place qui est extrêmement importante. L'une des raisons pour lesquelles, on est partis en 100% digital, c'était évidemment cette crise du papier. Mais une crise, parfois, peut aussi être une opportunité pour se moderniser et de permettre des développements supérieurs. Ce qu'on va économiser sur le papier va nous permettre d'aller plus fortement sur le digital. Aujourd'hui, c'est essentiel. Quand vous parlez de la multiplication des contenus sur le féminisme, on peut parler des médias, mais on peut aussi parler des influenceuses. On peut parler de tout ce qui se passe en digital et il y a énormément de sujets extrêmement consommés. On sent bien qu'il y a une appétence pour ça.
Du coup, il n'y a pas trop de monde ?
Il y a beaucoup de monde et c'est tant mieux. Mais il y a besoin d'avoir quelqu'un qui éclaire. Il y a besoin d'avoir quelqu'un qui va prendre un peu plus de recul et Causette étant IPG (Information de la presse généraliste) depuis sa création comme Le Monde, franceinfo...
Touchez-vous des aides de l'État ?
On touche des aides, mais c'est surtout qu'on est considéré comme un média indispensable dans le paysage. Il y a besoin parfois de prendre du recul et on a besoin d'avoir des équipes journalistiques qui travaillent différemment, tout autant dans l'urgence qu'en prenant le temps de traiter les sujets, de faire l'investigation, de l'enquête et c'est ça qu'on va continuer en le proposant en digital.
Ce passage au tout numérique est-il une chance pour rajeunir votre lectorat ?
"On a préféré investir sur notre équipe éditoriale parce que sinon, on aurait dû réduire cette présence-là et on préférait maintenir le contenu et malheureusement arrêter le papier."
Christine Turk, directrice éditoriale et digitale du groupe Hildegardeà franceinfo
C'est une chance. Mais c'est vrai que là où on est un peu tristes et je veux le dire à nos lecteurs et lectrices qui ont appris la nouvelle dans le dernier magazine, c'est qu'on n'a pas du tout envie de les laisser de côté. On sait qu'il y a une tristesse des amoureux du papier. On a été contraints. Si on avait pu tout garder, on l'aurait fait. Dès qu'on le pourra, on remettra peut-être en kiosque des albums de fin d'année, des numéros spéciaux, des hors-séries. Mais il faut quand même qu'on retrouve un certain équilibre.
Vous dites aussi nos lecteurs ! Il y a donc des lecteurs de Causette ?
Exactement. Il y a autour de 10 à 15%. Ce qu'on veut, c'est toucher le plus de monde et accompagner cette révolution.
C'est important que les hommes se mettent dans ce mouvement !
Je pense que c'est un combat important, qu'on les prenne avec nous dans ce changement de la société. Causette a été créé pour ça, pour avoir une pensée un peu plus féminine, féministe et pour faire changer les idées sur certains sujets qui sont importants, graves. Il faut qu'on évolue, par exemple, sur tous les sujets qui concernent l'inceste, il faut que ça cesse et il faut qu'on le fasse ensemble. Évidemment que les femmes doivent se battre, mais les hommes doivent entendre et se battre à leurs côtés. Le digital permettra un accès plus simple.
Retrouvez cette interview en vidéo :
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.