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Faut-il avoir peur des pilules de 3ème et 4ème génération ?

Les pilules de dernière génération continuent de susciter la polémique. Qui pourra désormais les prescrire? Quelles femmes pourront les utiliser? C'est le thème de notre rendez-vous santé avec Brigitte-Fanny Cohen.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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On sait aujourd'hui que des alertes ont été lancées dès 1995 contre les pilules de 3ème et 4ème génération. pourquoi ont-elle été massivement prescrites ?

Nous vivons dans un monde où le marketing est roi: les pilules de 2ème génération sont anciennes et les laboratoires pharmaceutiques n'en font plus la promotion. Les visiteurs médicaux ont donc vanté les pseudo-mérites des dernières pilules et les médecins y ont cru. Et puis, il faut bien le dire, on a tendance à penser que tout ce qui est nouveau est plus beau, plus performant : c'est peut-être vrai pour une voiture ou un ordinateur, mais pas toujours pour un médicament. Et l'actualité nous l'a souvent démontré.
 

L'industrie pharmaceutique a fait croire à des avantages qui n'en étaient pas

En effet, pendant des années, les médecins ont prescrit ces nouvelles pilules sous prétexte qu'elles faisaient moins prendre de poids ou qu'elles ne donnaient pas d'acné. Faux : voilà ce qu'affirme la Haute Autorité de Santé sur son site internet, et je cite: "Aucune étude jusqu'à présent n'a démontré que les contraceptifs de 3ème génération avait un intérêt clinique supplémentaire par rapport aux contraceptifs de 1ère et 2ème génération sur les effets indésirables comme l'acné, la prise de poids, les nausées, les jambes lourdes, les mastodynies (douleurs mammaires), la dysménorrhée (les règles douloureuses), l'aménorrhée (absence de règles) ou les ménométrorragies (saignements en dehors des règles) ".

Et les risques de ces pilules de 3ème et 4ème génération sont, eux, bien avérés ?

Plusieurs études scientifiques le démontrent. Le danger, c'est le risque de formation d'un caillot sanguin, le fameux risque thromboembolique : autrement dit, la survenue d'une phlébite. Ou d'une embolie pulmonaire. Ce risque est estimé à 2 pour 10 000 femmes prenant une pilule de 1ère ou 2ème génération. Il est doublé avec les pilules de dernière génération.

Depuis le début de cette polémique, on entend dire que ce risque est minime

En effet, beaucoup de gynécologues le répètent depuis plusieurs semaines: le risque est minime. Et, disent-ils, si on prend un avion, ou si on est enceinte, le risque thromboembolique est encore plus important. Les mots sont mal choisis. Comment parler d'un risque minime face à la détresse des familles endeuillées ou à celle de jeunes femmes handicapées ? Comment se fait-il qu'aucun laboratoire, aucune association de médecins ne se soit associée à la douleur des victimes ? Bien sûr, le risque est statistiquement faible. Mais il ne faut pas oublier que, selon l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament, il y a, en France, entre 2 et 2,5 millions de femmes sous pilule de dernière génération. Un millier aura un accident thromboembolique, en particulier la première année d'utilisation pendant laquelle le risque est maximal. Un millier de femmes par an, dont dix à trente décès: ce n'est pas minime.

Mais depuis le début de cette affaire, on nous dit et répète que la pilule est un médicament, et que tout médicament comporte des risques.

Oui. Mais c'est aussi un médicament particulier : il est prescrit à des femmes jeunes et en bonne santé. Autant un patient dont la vie est menacée par un cancer ou une maladie cardiaque peut accepter les risques de son traitement. Autant il est difficile de le faire quand on a 20 ou 30 ans, toute la vie devant soi. Et qu'en plus, comme c'est souvent le cas, on n'a pas été prévenu des risques par son médecin.

En pratique aujourd'hui que se passe-t-il : les femmes vont-elles continuer à prendre des pilules de 3ème et 4ème génération?

Tout d'abord, n'oublions pas que les femmes se sont battues pour bénéficier de la contraception. Ce n'est pas le moment de faire marche arrière, de diaboliser la pilule. Ou de l'arrêter subitement : le risque, cette fois-ci, ce serait de se retrouver face à une recrudescence des IVG. Ce qui compte, c'est que les femmes qui s'estiment à risque ou qui prennent une pilule de dernière génération depuis peu de temps,discutent avec leur médecin, quitte à changer de contraception.

Comment diminuer les risques au maximum ?

Les risques vont baisser si les médecins jouent le jeu. Les autorités de santé leur ont demandé de prescrire les pilules de 1ère et 2ème génération, deux fois moins risquées : si une femme ne les supporte pas, une pilule de 3ème ou 4ème génération pourra être envisagée. Mais seulement à cette condition. Autre point très important : la prescription de la pilule, et a fortiori la dernière génération, doit s'accompagner d'un interrogatoire très précis. C'est lui qui permet d'évaluer le fameux risque thromboembolique : s'il y a déjà eu une phlébite ou une embolie pulmonaire dans la famille, si la patiente a plus de 35 ans, si elle est en surpoids, si elle fume. Le tabac, à lui seul, multiplie le risque tromboembolique par 10 ! Et pourtant combien de fumeuses se sont quand même vues prescrire une pilule de dernière génération!

L'idée de réserver la prescription des pilules de 3ème génération aux seuls gynécologues est-elle définitivement abandonnée ?

Oui, ce qui est primordial, ce n'est pas tant le fait d'être gynécologue ou généraliste, c'est le sérieux de l'interrogatoire. Et il se pourrait que, d'ici la fin de la semaine, l'Agence nationale de sécurité du médicament renforce le rôle des pharmaciens et leur demande de contrôler les ordonnances : notamment de vérifier, avant de vendre une pilule de 3ème génération, que la patiente a bien testé avant une pilule de 2ème génération. De vérifier aussi que tous les facteurs de risque ont bien été écartés. C'est une hypothèse de travail. Mais il y a de bonnes chances pour que cette mesure soit retenue.

> Brochure de la Haute Autorité de Santé sur les contraceptifs

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