Il était une forêt
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Les forêts primaires se trouvent au stade final de leur évolution. Il faut 700 ans pour atteindre ce point d'équilibre ultime. Le film nous montre comment lentement au fil des siècles se tisse ce réseau de connexions complexes entre végétaux et animaux. Dans ce réseau, les arbres jouent un rôle bien plus important qu'il n'y paraît. Certes ils sont immobiles mais ils ne sont pas pour autant inactifs.
Au fil de l'évolution, ils ont par exemple développé des capacités de communication. Depuis une trentaine d'années les scientifiques savent que les arbres communiquent entre eux à distance par le biais de molécules chimiques, des composés volatiles.
Quel genre de message les arbres s'envoient-ils entre eux ?
Des messages d'alerte par exemple. Face à un prédateur puisqu'il n'est pas possible de fuir, il faut pouvoir se défendre. Lorsqu'une gazelle broute les feuilles d'un acacia, instantanément la plante produit une substance toxique et repoussante pour l'animal. Parallèlement l'acacia attaqué émet des composés volatiles qui vont être portés par le vent jusqu'aux acacias voisins. Ceux-ci, dès qu'ils reçoivent le message se mettent à leur tour à produire des molécules toxiques pendant toute une journée. Autrement dit, l'agression d'un seul arbre suffit à sonner l'alarme et à rendre immangeable les autres arbres dans les parages. Les gazelles n'ont plus qu'à aller manger plus loin.
Si les arbres peuvent faire fuir certains animaux, ils savent comment en attirer d'autres ?
Ce sont des charmeurs. Il faut dire que, pour se reproduire, ils ont besoin des animaux. Il s'agit d'attirer d'abord les pollinisateurs grâce au nectar pour qu'ils transportent le pollen et que la fécondation se fasse. Et une fois les graines formées encore faut-il les disperser. 75 % des espèces d'arbres tropicaux ont besoin des animaux pour disperser leurs graines. Alors bon nombres d'habitants des forêts primaires, singes, tapirs, perroquets et autres, sont appelés à contribution. Ils vont jouer les transporteurs à leur insu. En se nourrissant des fruits bien mûrs qui contiennent les graines, ils les feront voyager dans leur tube digestif et les emmèneront loin de la plante mère.
Rien n'est trop beau pour appâter ces animaux transporteurs. Les fruits doivent être attrayants. Profusion de parfum, de couleur, de forme et parfois même c'est en émettant du son que les arbres font venir les animaux jusqu'à eux.
Quel genre de son ?
Prenons l'exemple du Moabi, l'un des plus grands arbres des forêts humides africaines. Il peut atteindre 70 mètres de hauteur. Luc Jacquet dans son film l'utilise pour montrer le passage du temps car les scientifiques estiment qu'il met 600 ans pour atteindre 60 mètres de hauteur. Quand les fruits du Moabi tombent de toute la hauteur de l'arbre ils produisent en percutant le sol des sons, des vibrations que les éléphants perçoivent de très loin. Ils se précipitent alors au pied de l'arbre car ils sont très friands de ses fruits. Les graines germeront plus tard dans leur déjection.
Les arbres peuvent faire venir les éléphants, ils peuvent aussi faire venir la pluie.
Oui, c'est une fonction plus inattendue des composés volatiles que produisent les arbres. Sous l'effet de la chaleur ces petites molécules montent vers le ciel et vont piéger la vapeur d'eau. Des nuages vont alors se former. Autrement dit par ce mécanisme les arbres sont capables de favoriser la constitution d'une réserve d'eau juste au-dessus de leurs cimes. Comme le dis le botaniste Francis Hallé "Vivre mobile est à la portée de tous, mais pour vivre immobile il faut déployer beaucoup d'imagination".
Petit à petit les scientifiques dévoilent les formidables adaptations développées par les arbres au cours de l'évolution. Des adaptations qui échappent totalement au premier regard.
Le film Il était une forêt sorti le 13 mars en DVD, nous invite à les découvrir. Pas de leçon de morale sur la déforestation, juste un regard émerveillé sur la forêt (le ton est parfois un peu emphatique c'est vrai) mais les images sont superbes et l'on apprend beaucoup de choses.
Le pari de Luc Jacquet et de Francis Hallé c'est que si on connait mieux, si on prend conscience de la richesse des forêts tropicales primaires on aura peut-être davantage envie de les protéger et il y a urgence puisque selon Francis Hallé au train où vont les choses dans 10 ans il n'y en aura plus.
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