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De Jérôme Cahuzac à Dominique Strauss-Kahn, en passant par Bernard Tapie, la schizophrénie de la parole politique

Cahuzac, Strauss-Kahn, Tapie, ils font la une cette semaine. 3 noms sous les projecteurs médiatiques mêlant affaires et vie politique. 3 noms qui déstabilisent la parole politique.
Article rédigé par franceinfo
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Ils n'ont pas le même profil, mais tous
ont connu l'inconfort du bureau du juge. S'ils s'en sont parfois sortis, comme Dominique
Strauss-Kahn, ils ont connu l'opprobe de leurs pairs. Ces trois là ont connu la démission du gouvernement
quand la justice s'est intéressée de près à eux. Ils ont alors fait figure de
pestiférés.

Les ennemis se déchainent, les amis n'en
sont plus, les propos acerbes sont définitifs. leur avenir est derrière eux.

Eprouvé par  ces épreuves judiciaires, et la férocité du
monde politique à son égard, Bernard Tapie s'est abstenu de revenir au premier
plan politique. Dominique Strauss-Kahn est tenu à
distance par ses pairs, tout comme Jérôme Cahuzac. Leurs collègues s'opposent publiquement
à leur retour sur la scène politique. Leur parole parait donc avoir perdu toute
valeur, ils n'ont plus voix au chapitre.

Pourtant, hier, Dominique Strauss-Kahn, comme Jérôme Cahuzac, se
sont comportés comme des experts, un peu donneurs de leçons, devant les parlementaires.

Il s'agissait d'une coïncidence, mais
tous les deux comparaissaient devant des élus. Dominique Strauss-Kahn avait été appelé
en consultation, par les sénateurs, en tant qu'ancien ministre et ancien
directeur du FMI, pour apporter son éclairage sur le rôle des banques dans l'évasion
fiscale. Il y a deux ans, Dominique Strauss-Kahn
était vilipendé pour sa conduite, jugée immorale envers les femmes. Le monde politique
s'indignait de l'omerta qui avait couvert ce scandale prévisible. Personne n'osait
le défendre. Dominique Strauss-Kahn était un homme disqualifié.

24 mois plus tard, les sénateurs lui
offrent une tribune respectable, pour dispenser sa leçon magistrale. L'ancien présidentiable ne s'en prive
pas. Il multiplie les coups de griffes. À François Hollande : " incriminer
la finance ", c'est comme incriminer " l'industrie automibile quand
on parle des morts sur la route ". A Nicolas Sarkozy , qui annonçait,
avec beaucoup d'avance, la " mort " des paradis fiscaux. À Angela Merkel : qui " met
la poussière sous le tapis ".

Le brio strauss-khanien est tel, qu'une
sénatrice se prend (anonymement) à regretter " cette compétence " et
à s'interroger sur un " éventuel compromis avec la rancune ". En un mot, il faudrait distinguer entre
l'homme privé, et les compétences de l'homme public. Tout serait donc question de casquette.

Et Jérôme Cahuzac lui, avait enfilé la casquette de l'expert lui
aussi.

Devant la commission d'enquête parlementaire
à l'Assemblée, l'ancien ministre du budget n'a cessé de changer de couvre chef. La casquette de celui qui a démissionné
du gouvernement convenait  pour répéter
inlassablement qu'il avait menti à tous, jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. Celle de celui qui avait menti imposait
le silence sur les raisons, et la persistance de ce long mensonge. La casquette de l'ancien président de
la commission des finances qui corrigeait les imprécisions de ses anciens
collègues. Et puis enfin la casquette du mis en
examen, pour éluder toutes les questions sur le contenu du mensonge.

Des casquettes multi-fonction, donc...

Oui, parce que quand la casquette de la
justice en cours oblige Jérôme Cahuzac au silence, c'est tout l'inverse pour Bernard
Tapie. Alors que les gardes à vue se multiplient
autour de lui, non seulement l'ancien ministre parle, mais il écrit et publie
un livre sous son nom. Lequel sort en librairie alors que son
auteur est encore placé en garde à vue. En politique, les casquettes paraissent
donc à usage variable. Elles imposent le silence ou l'inverse. Elles permettent à des hommes jugés
infréquentables hier, d'être appelés en tant qu'experts par leurs anciens accusateurs. L'ensemble donne le sentiment de
pratiques assez incohérentes, différentes en tout cas de celle qui régissent la
vie des citoyens.

De quoi alimenter la défiance de l'opinion.

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